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TRAITE

DES

OBLIGATIONS,

SELON LES REGLES

TANT DU FOR DE LA CONSCIENCE ,

Que du For extérieur.

houveîle Edition revue , corrigée & confidèrablj.* ment augmentée par l'Auteur»

TOME PREMIER.

* 0. M. i >©* ' «WÛlHErfe^

A PARIS; €lJ-

Chez D I b u r E l'aîné, Quai des JU$l(ftfdfi#/\ffy' à l'Image S. Paul.

A ORLEANS,

Chez J. Rouzeau-Montaut , Imprimeur du Roi* de la Ville , & de l'Univerfité.

M. PLf...I.,V V ^w Jppr^miàr^^fHfiïï^du Roi»

IBLIOTHECA

.Y

TA BLE

DES CHAPITRE!^*

A } racles , Sellions & Paragraphes 9 contenus dans le premier Tome.

PREMIERE PARTIE.

T^\ E ce qui appartient à Veffence des

JL-X Obligations , & de leurs effets , Pag. <

Chap. I. De ce qui appartient à l'ejjenu des

Obligations, ibid.

Sec. I. Des Contrats , 6

ART. I. Ce que cejlquun Contrat ; en quoi

ildiffeiede lapollicitation , & des

chojes quon doit principalement

dijtingu,r dans chaque Contrat ,

7

§. I. Ce que c'ejl qiïun Contrat , ibid.

§. II. En quoi le Contrat dijfere-t-il de la.

Pollicitation , o

§ . III. Des trois chojes quon doit diflin met

dans chaque Contrat 9 1 1

Art. II. Divifion des Contrats , 18

ART. III. Des différens vices qui peuvent fe

rencontrer dans les Contrats , i& Tome I, * ij

ïv TABLE

§. I. De l'Erreur , 27

■§. IL Du défaut de liberté 9 34

§. III. Du Dol, 42

§. IV. I}e la. léjîon entre Majeurs , 4 j

§, V. De la léjîon entre Mineurs 9 51 §. VI. Du défaut de caufe dans un Contrat 7

§. VIL Du défaut de lieu dans laperfonno. qui promet , 61

Art. IV. Des perfonnes qui font capables ou non de contr acier 9 63

ART. V. 'De ce qui peut être V objet des Contrats , Que ce ne peut être qu' une chofe qui concerne les parties con- tractantes , fuivant la règle quon ne peut valablement Jiipuler ni promettre que pour foi , 70

§. I. Quelles font les raifons du principe qu'on ne peut jiipuler , ni pro- mettre pour un autre , 72

§. IL Plujîeurscas, dans lef quels nous Jli- puions ou promettons effeclive- ment pour nous-mêmes ? quoique la convention faffe mention d'un autre , 76

§, III. Que ce qui concerne une autre per- fonne 9 que les parties contractant tes peut être le inode , ou la condi- tion d'une convention 9 quoiqu'il ne puiffe en être £ objet , 9 1

§» IV, Qu 'on peut Jiipuler & promettre p ai

DES CHAPITRES v

U miniflere d'un tiers , & que ce n ' yefï pus JIi vider ni promettre pour un autre , 9 S

ART. VI. De V effet des Contrats 9 107

Art. VII. Règles pour l'interprétation des conventions , 112

Art. VIII. Du ferment que les Parties con- tractantes ajoutent quelquefois à leurs conventions , 123

SEC . II. Des autres caufes des Obligations ,

.m

§. I. Des quajl '- Contrats , ibid.

§. II. Des Délits & quafi- Délits y 137 §. III. De la Loi , 142

Sec. III. Des perfonnes entre le/quelles peut fubfifter une Obligation , 1 44 SEC. IV. De ce qui peut faire t objet & la matière des Obligations , 147 §. I. Thefe génér aie fur ce qui peut être F ob- jet des Obligations , ib'd. §. II. Quelles chofes peuvent cire V objet d'une Obligation , 148 §. III. Quels faits peuvent être V objet des Obligations , kj

Chap. II. TT% E V effet des Obligations ,

jLJ 159

Art.I. De V effet des Obligations de la

part du débiteur , ibid.

§. I. De C Obligation de donner , ibid.

*iij

;

TABLE

§. II. De l'obligation défaire ou de ne pas faire 9 164

ART. II. De l'effet de l'Obligation par rap- port au créancier 9 \6y

§. I. Du cas auquel V Obligation confifle à donner ? 168

§. II. Du cas auquel l'Obligation confijle. à faire ou ne pas faire , 1 7 j

ART. III. Des dommages & intérêts refultants foit de l'inexécution des Obliga- tions , foit du retard apporté à leur exécution 9 176

PARTIE II.

7~*\ Es différentes efpeces d'Obligations ,

JLS J 2,01

Chap. I. Expojition générale des différentes efpeces d'Obligations y ibid. §. I. Première Divifion , ibid.

§. II. Deuxième Divifion , 204

§. III. ///. IK & V. Vivifions , 205 §. IV. Sixième Divifion 9 208

§. V. Septième Divifion , 209

§. VI. Huitième Divifion , 212

§. V IL IX. X. XL & XII, Divifions, \b\d.

ÇHAP. II. "T\ E la première Divifion des JLs Obligations > en Obliga- tions civiles & en Obligations naturelles y % 1 $

DES CHAPITRES, vîj

CHAP. III. r\ Es différentes modalités JL^/ fous hj quelles les Obliga- tions peuventê.trecontraclées, iiy

ART. I. Des conditions fufpenfi\ es , & des Obligations conditionelles , ibid.

§. I. Quefl-ce qu'une condition &fes diffé- rentes efpeces , 242.

§. II. Ce qui peut faire une condition qui fufpende une Obligation , 225

§. III. Quand les conditions font-elles cen- fées accomplies , 230

§. IV. DeCindivifibilité de t 'accompli/Je- ment des conditions , 245

§. V. De r effet des conditions , 248

§. VI. Lorfqrf une Obligation a été contraclée fous plufïeurs conditions , effil néceffaire que toutes s'accomplit

fcnt, 251

Art. II. Des conditions réfolutoires , & des Obligations ré/blubles fous une certaine condition, & de celle dont la durée ejl limitée à un certain temps, 252,

Art. III. Du terme de payement , 255 §. I. Ce que c'efl que ce terme de payement & fes différentes efpeces , ibid. §. II. De P effet du terme & en quoi il diffère de la condition , 256

§. III. Des cas auxquels la dette peut être exigée avant le terme , 259

* IV

vîîj TABLE

§. IV. Du terme joint aux conditions , 245 Art. IV. Du lieuconvcnu pour le payement y

ART. V . Dis Obligations ccntraclees avec la clame de pouvoir payer à uneper- fonne indiquée , ou avec celle de payer une certaine chofe , à la place de la chofe due , 265

Art. VI. Des Obligations alternativet^zôj

Art. VII. Des Obligations folidaires entre plu fieurs créanciers , 2 80

Art. VIII. De la folidité de la part des débi- teurs , 283

§. I. Ce que cejl au Obligation folidaire de la part des débiteurs , ibicL

§. II. En quels cas T Obligation de plujieurs débiteurs ejl-elle réputée folidaire y

287

§ . III. Des effets de la folidité entre plufieurs débiteurs , 292

§. IV. De la remife de la folidité , 302

§« V. De la ceffion des actions du créancier , qua droit de demander un debi' teur folidaire qui paye le total ,

§. VI. Des aUicns que le débiteur folidaire qui a payé fans fubrogation ypeut avoir dejor. chef > contre f es codé-

i 'ZUT S ,

DES CHAPITRES. U

CHAP.IV. J~*\E quelques efpeces parti-

J_^S culieres d'Obligations ,

confidérées par rapport aux cho-

fes qui en font f objet , 330

Sec. I. De F Obligation d'une chofe indéter- minée d'un certain genre , 331

SEC. II. Des Obligations dividuelles & des Obligations individuelles , 3 40

Art. I. Quelles Obligations font dividuelles , & quelles Obligations font indi- viduelles , ibid.

§. I. Qjïefil-cequ une Obligation dividueU le , & une Obligation indivi- duelle } ibid.

§. II. Des différentes efpeces a" indivijibilité 1

346 §. III. P lufieurs efpeces particulières a" Obli- gations à regard defquelles on demande fi elles font divi/ibles ou indivifîbles , 351

De V Obligation de livrer une pièce de terre 9

ibid. De V Obligation d'une corvée ou journée 9

35 4

De ^Obligation défaire quelque Ouvrage y

3 56 De C Obligation de donner une certaine fom-

me léguée pour la conflruclion d'un Hôpi- tal , ou pour quelque autre fin , ibid» ART. II. De la nature & des effets des Obli-

* V

x TABLE

galions divijibles , 3 ey

§. I. Principes Généraux 9 ibid.

§. II. Modifications du premier effet delà di- vijion de rObligation du côté du débiteur , y<<^

§. III. Du fécond effet de la divijion delà dette , qui conjifle en ce quelle peut être payée par parties , 376

§. IV. Du cas auquel la divijion de la de:U fe fait 9 tant de la part du créan- cier , que du débiteur , 385

§. V. Si la réunion des portions rfoit des héritiers du créancier , foit des héritiers du débiteur , en une feule perfonne rfait ceffer la faculté de. payer la dette par parties , 386

§. VI. Différence entre la dette deplufieurs corps certains, & celle deplujieurs chofes indéterminées ? touchant la manière dont elles fe divifent ,

39 1

Art. NI. De la nature & des effets des Obli- gations individuelles 9. 3 93

§. I. Principes généraux fur la nature des Obligations individuelles y ibid.

§. II. De r effet de Vindivifibilité de t Obli- gation in dando aut in faciendo, par rapport aux héritiers du créan- cier , ^ 397

§. III. De l'effet des Obligations in dando aut in taciendo ,par rapport aux

DES CHAPITRES, x/

héritiers du débiteur , 40 1

§. IV. De L'effet des Obligations indivifibles

in non faciendo , 408

CHAP. V. JT\ Es Obligations pénales , i J 4ix

Art. I. De la nature des Obligations péna-

les> . .4M

§. I. Premier Principe , ibid.

§. IL Deuxième Principe , 416

§. III. Troifieme Principe 9 ibid.

Quatrième Principe , 417

Cinquième Principe , 422

Art. II. Quand y a-t-il lieu à l'ouverture de P Obligation pénale , 429

§. I. Du cas auquel la daufe pénale a été ajoutée à t Obligation de ne pas faire quelque chofe , ibid.

§. II. Du cas auquel la claufe pénale a été ajoutée à t Obligation de donner ou de faire quelque chofe , 4^1

Art. III. Si le débiteur peut en s* acquittant par parties de [on Obligation 9 éviter la peine pour partie , 434

Art. IV. Si la peine efl encourue pour le to- tal & par tous les héritiers du débiteur , par la contravention de Vun d'eux , 440

§. I. Décifion de la queflion à V égard des Obligations indivifibles 9 441

§. II, Décifion de la queflion à l 'égard des.

xij TABLE

Obligations divijibles \ 447 ART. V. Si la peine ejl encourue pour le to- tal , & envers tous les héritiers du créancier , par la contravention faite envers Cun d7eux y 460

CHAP. VI. T\ Es Obligations acceffoires JL^ desfidéju[jeurs , & autres qui accèdent à celle £un princi~ pal débiteur , 46 2

Sec I. De la nature du cautionnement : dé* finition des cautions des fidéjuf- Jeurs ? & les Corollaires qui en dérivent, 463

Sec. II. Divijion des fidéjujjeurs ou eau- dons ? 502

Sec. III. Des qualités que doivent avoir les cautions ,. 5 04

§. I. Des qualités que doit avoir une per- Jonne pour contracter un caution- nement , ibid.

§. IL Des qualités requifes pour qu une per- sonne f oit reçue à être caution ,

§. III. Des cas auxquels un débiteur ejl tenu de donner une nouvelle caution à la place de celle qui a reçue ,

Sec. IV. Pour qui , envers qui > pour quelle Obligation , & comment le cau- tionnement peut-il être fait, 5 1 J

DES CHAPITRES, xiij

S. I. Pour qui & envers quiy ibid.

§. II. Pour quelle Obligation , 517

§. III. Comment fe contractent les caution- nements , ^2.3 SEC. V. De retendue du cautionnement,

5M SEC. VL De quelle manière s éteignent les cautionnemens , & des différentes exceptions que la loi accorde aux cautions , 5 29

ART. I. De quelle manière s'éteignent les cautionnemens , ibid.

ART. II. De V exception de difcuffion, 532 £. I. Origine de ce droit , ibid.

§. II. Quelles cautions peuvent oppofer l'ex- ception de difcuffion , 533 §. III. En quel cas le créancier efi-il obligé à la difcujjîon , & quand? ex- ception de difcuffion doit-elle être oppojée , ^ . 535 §. IV. Quels biens le créancier eji-il obligé de difeuter , 538 §. V. Aux dépens de qui doit fe faire la dif- cuffion , 543 §. VI. Le créancier qui a manqué à faire la difcuffion , ejl-il tenu de Vinfol- vabilité du débiteur , ibid. Art. III. De l'exception de divifion, 546 §. I. Origine de ce droit 9 ibid» §. II. Qui font ceux qui peuvent ou non oppofer F exception de divijion^t

547

xiv TABLE

§. III. Qui font ceux entre qui la dette doit être divijée , 548

§. IV. Un cautionnement peut-il fe divifer avec une caution qui na pas va- lablement contracté 9 & avec une caution mineure , 552

§. V. Quand l'exception de divifion peut- elle être oppofêe , 555

§. VI. De r effet de l'exception de divijïon 9

Art. IV. D la cejjion d'actions ouf abroga- tion que le créancier efl tenu d'ac- corder au fidéjufflur qui le paye 9

560

SEC. VIL Du droit qrfa la caution contre le principal débiteur & contre fes cofidéjuffeurs , 561

Art. L Du recours de la caution contre le débiteur principal après quelle a payé, i 562

§. I. Quelles font les actions qiHa la caution contre le débiteur principal , après quelle a payé 9 ibid.

§. IL Quel payement donne lieu à ces ac- tions , 533

§. III. Trois conditions pour que le paye- ment fa't par la caution donne lieu à t action contre le débiteur principal, 564

Première Condition , 565

Deuxième Condition 9 56^

DES CHAPITRES. x?

Troifieme Condition , 569

§. IV. Quand la caution qui a payé peut- elle exercer fon recours , ibid* §. V. Lorfquil y a plufieut s débiteurs prin- cipaux , la caution a-t-elle aclion contre chacun d'eux , 6* pour combien , 5 70

Art. II. Des cas auxquels la caution a aclion contre le débiteur principal ', même ayant qiielle ait payé ,

57* Art. III. Si la caution d'une rente peut

obliger le débiteur au rachat 9

577

Art. IV. Des actions de la caution contre fes cofidéjuffeurs , 5 90

S£C. VIII. De plujîeurs autres efpeces d'O- bligations accefjo'v es , $97 Art. I. De f Obligation de ceux qiion ap- pelle en Droit Mandatores 9 ibid* Art. II. De l'Obligation des Commettants ,

607 §. L En quelfens les Commettants accè- dent aux obligations des Contrats de leurs prépofés ? & en quoi ils différent des autres débiteurs ac- cejjoires , 608

§. II. En quels cas y a-t-illieuâl 'obligation acceffoire des commettants ,610 §. III, De r effet des obligations acceffoires des Commettants ) 6iz

xvj TABLE DES CHAPITRES.

§. IV. De F Obligation accffo'ne des Corn* mettants qui naît des délits de leurs prépofés , 6 1 6

§. V. Des Pères de famille & des Maîtres ,

617

Sec. DERN. Du Pacl conjlitutœ pecuniœ ,

610

§ . I . De ce qui efl néceffaire pour la validité du pacl conftitutae pecuniae ,

62.6

§. II. Si le pacl conftitutae pecuniae ren- ferme nécefjairement un terme dans lequel on promet payer ,

636

§. III. Si on peut par le pacl conftitutae pecuniae s'obliger à plus que et qui efl du , ou à autre chofe que ce qui efl , ou s y obliger a" une différente manière , 637

§. IV. De l'effet du pacl conftitutae pecu- niae, & de ^obligation qui en naît , 64J

§. V. De Cefpece de pacl par lequel on pro- met au créancier de donner cer- taines sûretés , 662

Fin de la Table des Chapitres.

TRAITÉ

TRAITÉ

DES

OBLIGATIONS.

»■

.Article préliminaire.

i. Ml lr E terme & Obligation a deux

1 lignifications.

Dans une lignification éten-

- due , lato fenfu, il efl fyno- nyme au terme de devoir, &c il comprend les Obligations imparfaites , aufli-bien que les Obligations parfaites.

On appelle Obligations imparfaites 5 les Obligations dont nous ne fommes compta- bles qu'à Dieu , & qui ne donnent au- cun droit à perfonne pour en exiger l'ac- complifTement : tels font les devoirs de charité , de reconnoifTance ; tel eft par exemple l'obligation de faire l'aumône de Tom, I% A

i Traite'

fon fuperflu; cette obligation eft une/ véritable obligation , &c un riche pèche très - grièvement , lorfqu'il manque à l'accomplir ; mais c'eft une obligation imparfaite , parce qu'il n'en eft compta- ble qu'à Dieu feul : îorfqu'il s'acquitte de cette obligation , le pauvre à qui il fait l'aumône ne la reçoit pas comme une dette , mais comme un pur bienfait. Il en eft de même des devoirs de la recon- noiftance : celui qui a reçu quelque bien- fait fignalé , eft obligé de rendre à fon bienfaiteur tous les fervices dont il eft ca- pable , lorfqu'il en trouve Poccafion ; il pèche &. il fe déshonore, quand il y man- que ; mais fon bienfaiteur n'a aucun droit d'exiger de lui ces fervices ; &C lorfqu'il les lui rend , ce bienfaiteur reçoit de lui à fon tour un véritable bienfait. Si mon bienfaiteur avoit droit d'exiger de moi que je lui rendifte dans la même occafion les mêmes fervices qu'il m'a rendus , ce ne feroit plus un bienfait qu'il m'auroit fait , mais un vrai commerce ; &c les fer-» vices que je lui rendrois ne feroient plus de ma part reconnoifjhncc , la reconnoif- fance étant efTentiellement volontaire.

Le terme tf Obligation dans un fens plus propre &C moins étendu ne comprend que les Obligations parfaites qu'on appelle aufli cngagemens pcrfonnds , qui donnent

des Obligations. 5 à celui envers qui nous les avons con- tractés , le droit d'en exiger de nous l'ac- complifTement ; & c'efl de ces fortes d'Obligations dont il s'agit dans ce Traité. Les Jurifconfultes définirent ces Obli- gations ou Engagemens perfonnels : un ) lien de droit qui nous aftreint envers un autre à lui donner quelque chofe , ou à faire ou ne pas faire quelque chofe , Vin- culum juris quo neceffztate adjlringimur allcujus rd folvendœ. Inftit. tit. de oblig. Obligationum fubjîantia conjiftit ut alium nobis obflringat , ad dandum aliquid veL faciendum , vd ptœjlandum. L. 3. ff. de

oblig.

Ces termes vinculum juris , ne convien- nent au'à l'Obligation civile : PObliea- tion purement naturelle , qui efl folius aquitatis vinculum , efl aufli , quoique dans un feris moins propre , une Obliga- tion parfaite ; car elle donne , finon dans le for extérieur, au moins dans le for de la confeience , à celui envers qui elle efl contractée , le droit d'en exiger TaccomplirTement ; au lieu aue FOb-ipa- tion imparfaite ne donne pas ce droit. V, infrà N. I97.

Nous diviferons ce Traité des Obliga- tions en quatre parties : nous verrons dans la première ce qui appartient à l'effence des Obligations , &c leurs effets,

Aij

4 Tr. des Oblig,

Dans la féconde , les différentes divï* fions , & les différentes efpeces d'Obli- gations.

Dans la troifieme , les manières dont s'éteignent les Obligations , &c les fins de non-recevoir , ou prefcriptions contre le droit qui en réfulte.

Nous ajouterons une quatrième partie fur la preuve tant des Obligations , que de leur payement.

-X- -*•

Part. i. Chap. I. 5

PARTIE PREMIERE.

De ce qui appartient a l'essence

des Obligations , & de leurs effets*

CHAPITRE PREMIER.'

DE CE QUI APPARTIENT A L'ESSENCE

des Obligations,

2. T L eft de l'eflence des Obligations ,

jI i°. Qu'il y ait une caufe d'où naiffe rObligation. i°. Des personnes entre lef- quelles elle fe contra&e. 30. Quelque chofe qui en foit l'objet.

Les caui'es des Obligations font les contrats , les quafi-contrats , les délits 9 les quafi-délits ; quelquefois la loi ou l'équité feule.

Nous traiterons , 1 °. Des contrats qui font la caufe la plus fréquente d'où naif- fent les Obligations.

20. Des autres caufes des Obligations.

30. Des perfennes entre qui elles fe contractent.

40. Des çhofes qui en peuvent être

r°bJet^\VE

A iij

I 0.

S Tr, des Oblig,

Section première, Des Contrats,

Nous verrons i°. ce que c'eft qu'un Contrat ; en quoi il diffère de la polli- citation , 8z quelles font les chofes qu'on doit principalement diffinguer dans cha- que Contrat. 20. Nous rapporterons les différentes divifions des Contrats. 30. Nous traiterons des vices généraux qui .peuvent fe rencontrer dans les Contrats. 40. Des perfonnes qui peuvent ou ne peuvent pas contracter. 50. De ce qui peut être l'objet des contrats : nous fe- rons voir que ce ne peut être qu'une chofe qui concerne les parties contrac- tantes , fuivant la règle qu'on ne peut valablement ilipuler ni promettre que pour foi , règle que nous tâcherons d'ex- pliquer &C de développer. 6°. Nous traiterons des effets des Contrats. 70. Nous donnerons des règles pour l'inter- prétation des Contrats. 8°. Nous traite- rons du ferment que les parties ajou- tent quelquefois à leurs conventions,

Part. I. Chap. I. 7

Article premier.

Ce que cefî quun Contrat ; en quoi il diffère de lapollicitation, & des chofes quon doit principalement dijlinguer dans chaque Contrat,

§. i.

Ce que cejl qu'un Contrat*

3. Un Contrat eft une efpece de con- vention. Pour favoir ce que c'efr. qu'un Contrat , il efl donc préalable de favoir ce que c'eft qu'une convention.

Une convention ou un pacte ( car ce font termes fynonymes ) eil le confente* ment de deux ou de plufieurs perfonnes , ou pour former erïtr'elîes quelque enga- gement , ou pour en réfoudre un précé- dent , ou pour le modifier ? Duorum vel plurium in idem placitum confenfus. L. 1. §. 1. ffl de pacl. Domat. p. 1. 1. 1. t. 1.

L'efpece de convention qui a pour objet de former quelque engagement efl celle qu'on appelle Contrat. Les princi- pes du Droit Romain fur les différentes efpeces de pactes , &: fur la diftinclion des contrats & des fimples pactes , n'é- tant pas fondés fur le Droit naturel , & étant très-éloignés de fa fimpliciîé ? ne

A iv

8 Tr. des Oblig.

foRt pas admis dans notre Droit : ceux qui feront curieux de les favoir pourront conflilter le titre de paciisin Pand. Jujlin. ou ils font détaillés.

De-là , il fuit que dans notre Droit on ne doit point définir le Contrat , comme le définirent les interprètes du Droit Romain; Conventio nomen habens à jure tivili , vel caufam ; mais on le doit dé- finir : Une convention par laquelle les deux parties réciproquement, ou feule- ment l'une des deux, promettent &t s'en- gagent envers l'autre à lui donner quel- que chofe , ou à faire ou ne pas faire quelque chofe.

J'ai dit promettent & s'engagent, car il n'y a que les promettes que nous faifons avec l'intention de nous engager , & d'ac- corder à celui à qui nous les faifons , le droit d'en exiger l'accompliffement, qui forment un contrat Se une convention.

Il y a d'autres promettes que nous fai- fons de bonne foi Se avec la volonté ac- tuelle de les accomplir , mais fans une intention d'accorder à celui à qui nous les faifons , le droit d'en exiger l'accom- pliffement , ce qui arrive lorfque celui qui promet déclare en même temps qu'il n'entend pas néanmoins s'engager , ou lorfque cela réfulte des circonttances ou des qualités de celui qui promet , & de

Part. I. C h a p. I. 9

celui à qui la promette eft faite. Par exem- ple , lorsqu'un père promet à ion fils qui étudie en Droit , de lui donner de quoi faire dans les vacances un voyage de ré- création , <?n cas qu'il emploie bien fon temps ; il eft évident que le père en fai- fant cette promette , n'entend pas con- tracter envers fon fils , un engagement proprement dit.

Ces promettes produifent bien une Obligation imparfaite de les accomplir, pourvu qu'il ne foit furvenu aucune caufe, laquelle fi elle eût été prévue eût empê- ché de faire la promette ; mais elles ne forment pas d'engagement, ni par con- féquent de Contrat.

s- i 1.

En quoi le Contrat diffère- 1- il de la Pollicitation.

4. La définition que nous avons don- née du Contrat ? fait connoître cette dif- férence. Le Contrat renferme le concours des volontés de deux perfonnes , dont l'une promet quelque chofe à l'autre , &C l'autre accepte la promette qui lui eft faite. La Pollicitation eft la promette qui n'eft pas encore acceptée par celui à qui elle eft faite ; Pollïcitatio ejl folius offe-

A v

7o Tr. des Oblig.

rends promifjiim. L. 3 . jf\ de Pollicîtat. La Pollicitation aux termes du pur Droit naturel ne produit aucune Obligation pro- prement dite , & celui qui a fait cette promefïe peut s'en dédire, tant que cette promefTe n'a pas été acceptée par celui à qui elle a été faite ; car il ne peut y avoir d'Obligation , fans un droit qu'ac- quiert la perfonne envers qui elle eil contractée contre la perfonne obligée ; or , de même que je ne peux pas par ma feule volonté transférer à quelqu'un un droit dans mes biens , fx fa volonté ne concourt pour l'acquérir ; de même je ne peux pas par ma promefTe accorder à quelqu'un un droit contre ma perfonne % jufqu'à ce que fa volonté concoure pour l'acquérir par l'acceptation qu'elle fera de ma promefTe ; Grot. de jure bel. & pac. L. 2. cap. n. ^. 3.

Quoique la Pollicitation ne foît pas obligatoire dans les purs termes du Droit naturel , néanmoins le Droit civil qui ajoute au Droit naturel , avoit rendu chez les Romains obligatoires en deux cas. les Pollicitations qu'un citoyen faifo.it à fa ville. iQ. Lorfqu'il avoit eu un jufte fujet de les faire , put à , en confidéra- îjon de quelque magiftrature municipale qui lui avoit été déférée ob honorent* %v, Lorfqu'il avoit commencé de les met*

P A R T. I. C H A P. I. II

tre à éxecution, L. i. §. i. & 2. jfl

d. t.

On ne doit plus mettre en queftion s'il y a des Pollicitations obligatoires dans notre Droit François ; l'Ordonnan- ce de 173 1. art. 3. ayant déclaré qu'il n'y auroit plus que deux manières de dif- poier de fes biens à titre gratuit, la do- nation entre-vifs , &: le teilament : il s'enfuit qu'elle rejette la Pollicitation.

s- IIL

Des trois chofes qu'on doit dijlinguer dans chaque Contrat.

5. Cujas ne dirtinguoit dans les Con- trats , que les chofes qui font de l'erTence du Contrat , & celles qui lui font acci- dentelles. La diftin&ion qu'ont faite plu- fieurs Jurifconfultes du dix-feptieme fie- cle , eft beaucoup plus exacte : ils diftin- guent trois différentes chofes dans cha- que Contrat , celles qui font de l'efTence du Contrat , celles qui font feulement de la nature du Contrat , & celles qui font purement accidentelles au Contrat.

6. Les chofes qui font de l'efTence du Contrat , font celles fans lefquelles ce Contrat ne peut fubfifter ; faute de l'une de ces chofes , ou il n'y a pas du tout

A vj

il Tr. des Oblig.

de Contrat , ou c'efl une autre efpecé

de Contrat. I

Par exemple ; il eft de Peffence du Contrat de vente qu'il y ait une chofe qui foit vendue , &c qu'il y ait un prix pour lequel elle foit vendue ; c'en1 pour- quoi fi je vous ai vendu une chofe que nous ignorions avoir cefTé d'exifier , i! n'y aura pas de Contrat , L. 57. ff. du contr. cmpt. ne pouvant pas y avoir de Contrat de vente , fans une chofe qui ait été vendue.- Pareillement, fi je vous ai vendu une chofe pour le prix qu'elle a été vendue à mon parent de la fuccefïion duquel elle m'eft venue , 6c qu'il fe trou- ve que cette chofe ne lui avoit pas été vendue , mais lui avoit été donnée , il n'y aura pas de Contrat , parce qu'il n'y a pas un prix qui efr. de l'eilence du Con- trat de vente.

Dans les exemples que nous venons de rapporter, le défaut de l'une des cho- fes , qui font de l'efTence du Contrat , empêche qu'il n'y ait en tout de Contrat ; quelquefois ce défaut change feulement l'efpece du Contrat.

Par exemple , étant de l'efTence du Contrat de vente qu'il y ait un prix qui confrfte en une fomme de deniers que l'acheteur paye ou s'oblige de payer au vendeur ; s'il efl porté par un traité que

Part. I. Chap. I. i$

j*aî fait avec vous, que je vous vendois mon cheval pour un certain livre que vous vous obligiez de me donner pour le prix dudit cheval; ce traité* ne ren- fermera pas un Contrat de vente , ne pou- vant pas y avoir de Contrat de vente fans un prix qui confifte en une fomme d'ar- gent ; mais le traité n'erl: pas pour cela nul ; il contient une autre efpece de Con- trat , lavoir un Contrat d'échange.

Pareillement , étant de l'effence du Contrat de vente ,* non pas à la vérité que le vendeur s'oblige précifément à transférer à l'acheteur la propriété de la chofe vendue , dans le cas auquel il n'en feroit pas le propriétaire ; mais au moins qu'il ne la retienne pas , s'il en eil le propriétaire : fi nous fouîmes convenus , que je vous vends un certain héritage pour une certaine fomme &. pour une certaine rente que vous vous obligez de me payer, duquel héritage je m'oblige de vous faire jouir , à la charge néan- moins que la propriété de l'héritage de- meurera pardevers moi ; cette conven- tion ne renferme pas à la vérité un Con- trat de vente , étant contre l'effence de ce Contrat que le vendeur retienne la propriété ; mais il renferme un Contrat de bail : c'eft ce que dit Labeo en la loi £q. §. 3. ff. de cont, empt. Nemo potejl yi-

14 Tr. des Ob li g.

deri rem vendidijfe de cujus donùnio id agi-' tur , ne ad emptorem tranfeat ; fed hoc aut locatio eji , aut aliud genus contractas.

Pareillement , étant de l'eiTence des Contrats de prêt, de mandat , &: de dé- pôt qu'ils foient gratuits : fi je vo.us ai prêté une chofe , à la charge que vous me payeriez une certaine fomme pour l'ufage de cette chofe ; ce ne fera pas un Contrat de prêt ; mais ce fera un autre 'efpece de Contrat ; favoir , un Contrat de louage. Par la même raifon , fi en accep- tant la procuration que vous m'avez don- née , ou le dépôt d'une chofe que vous m'avez confiée , j'ai exigé de vous une certaine fomme pour la récompenfe du foin que je donnerois à la garde du dé- pôt , ou à la geftion de l'affaire que vous m'avez confiée , le Contrat ne fera pas un Contrat de dépôt , ni un Contrat de mandat ; mais ce fera un Contrat de louage , par lequel je vous loue mes foins pour la geïtion de votre affaire , ou pour la garde de votre dépôt.

7. 2°. Les chofes qui font feulement de la nature du Contrat font celles qui, fans être de Peffence du Contrat , font partie du Contrat , quoique les parties ' contractantes ne s'en foient point expli- quées , étant de la nature du Contrat que ces chofes y foient renfermées ÔC fous-entendues.

Part. I. C h a p. I. iy

Ces choies tiennent un milieu entre les choies qui font de l'efTence du Con- trat, &c celles qui font accidentelles au Contrat ; & elles différent des unes 6c des autres.

Elles différent des chofes qui font de l'eiîence du Contrat , en ce que le Con- trat peut fubfifter fans elles , qu'elles peuvent être exclufes du Contrat par la convention des parties ; & elles différent des chofes accidentelles au Contrat , en Ce qu'elles font partie du Contrat , fans avoir été exprefTément convenues : c'eft ce qui s'éclaircira par des exemples. Dans^ le Contrat de vente , l'obligation de ga- rantie que le vendeur contracte envers l'acheteur eft de la nature du Contrat de vente ; c'eft pourquoi le vendeur con- tracte en vendant cette obligation envers l'acheteur, quoique les parties contrac- tantes ne s'en foient pas expliquées , &C qu'il n'en foit pas dit le moindre mot dans le Contrat ; mais cette obligation étant de la nature , & non de l'effence du Contrat de vente , le Contrat de vente peut fubfifter fans cette obligation ; . &C fi par le Contrat on eft convenu que le vendeur ne fera pas obligé à la garantie de la chofe vendue , la convention fera valable , & ce Contrat ne laiiTera pas d'être un véritable Contrat de vente a

16 Tr. des Oblig. quoique le vendeur ne foit pas obligé à la garantie,

C'eft aufïï une chofe qui eu. de la na- ture du Contrat de vente , qu'aufïi-tôt que ce Contrat a reçu fa perfection par le confentement des parties , quoiqu'a- vant la tradition , la choie vendue foit aux rifques de l'acheteur ; &: que fi elle vient à périr, fans la faute du vendeur, la perte en doive tomber fur l'acheteur , qui ne fera pas pour cela déchargé du prix : mais comme cela eft de la nature feulement , & non de l'effence du Con- trat de vente , on peut en contractant convenir du contraire.

Il eit de la nature du Contrat de prêt à ufage, que l'emprunteur foit tenu de la faute la plus légère , à l'égard de la chofe qui lui a été prêtée ; il contra de cette obligation envers le prêteur par la na- ture'même du Contrat, & fans que les parties s'en foient expliquées en contrac- tant; mais comme cette obligation eitde la nature , & non de l'erlence du Con- trat du prêt à ufage , on peut l'exclure par une claufe du Contrat , & convenir que l'emprunteur fera tenu d'apporter feulement de la^ bonne foi pour la con- fervation de la chofe, &C qu'il. ne fera pas refponfable des accidens qui arrive- roient par fa négligence &: fans malice.

Part. I. C h a p. I. 17

Il eft auiïï de la nature de ce Contrat , que la perte de la chofe prêtée , lors- qu'elle arrive par une force majeure , tombe fur le prêteur ; mais comme cela eft de la nature , & non de Feffence du Contrat , on peut par une claufe du Con- trat charger l'emprunteur de ce rifque jufqu'à ce qu'il ait rendu la chofe.

On peut apporter une infinité d'autres exemples , fur les différentes efpeces de Contrats.

8. 30. Les chofes qui font accidentelles au Contrat , font celles qui n'étant pas de la nature du Contrat , n'y font ren- fermées que par quelque claufe particu- lière ajoutée au Contrat.

Par exemple , le terme accordé par le Contrat pour le payement de la chofe ou de la fomme due , la faculté qui y eft ac- cordée de payer cette fomme en plusieurs parties , celle de payer quelqu'autre chofe à la place , ou de payer entre les mains d'une autre perfonne que du créancier , &: autres femblables , font chofes acci- dentelles au Contrat, parce qu'elles ne font renfermées dans le Contrat qu'au- tant qu'elles font ftipulées par quelque claufe ajoutée au Contrat.

Dans le Contrat de vente d'une rente , l'obligation par laquelle le vendeur fe rend refponfable de la folvabilité des dé-

iS Tr, dés Oblig.

biteurs tant que la rente durera , eft une chofe accidentelle au Contrat ; car le vendeur ne contracte pas cette obliga- tion par la nature du Contrat , il ne la contracte qu'en vertu d'une claufe parti- culière ajoutée au Contrat , qui eft celle qu'on appelle la claufe de fournir & faire valoir ; & cette claufe , quoiqu'afïez fré- quente dans les Contrats de vente de rente , y doit être exprimée , & ne s'y fupplée point.

On peut apporter une infinité d'autres exemples.

Article IL

Divïjion des Contrats.

9. Les divifions que le Droit Pvomain fait des Contrats , en Contrats nommés & Contrats innommés ; en Contrats bonœ fidei , & Contrats jiricii Juris , n'ont pas lieu parmi nous.

Celles reçues dans notre Droit font, 1 °. celles en Contrats fynallagmaîiques ou bilatéraux , &: en Contrats uni-latéraux.

Les Synallagmatiques ou bilatéraux font ceux par lefquels chacun des contra&ans s'engage envers l'autre. Tels fontles Con* îrats de vente , de louage , &c.

Les Uni- latéraux fonteeuxpar lefquels il n'y a que l'un des contra clans qui s'engage envers l'autre,comme dans le prêt d'argent.

Part. I. Chap. I. 19

Entre les Contrats fynallagmatiques ou bilatéraux , on diftingue ceux qui le font parfaitement , &C ceux qui le font moins parfaitement. Les Contrats qui font par- faitement fynallagmatiques ou bilatéraux font ceux dans lefquels l'obligation que contracte chacun des contrattans eft éga- lement une obligation principale de ce Contrat; tels font les Contrats de vente, de louage , de fociété, &c. Par exemple, dans le Contrat de vente , l'obligation que le vendeur contracte de livrer la cho- fe , & celle que l'acheteur contracte de payer le prix , font également obligations principales du Contrat de vente. Les Con- trats qui font moins parfaitement fynal- lagmatiques % font ceux dans lefquels il n'y a que l'obligation de l'une des parties qui foit l'obligation principale du Con- trat ; tels font les Contrats de mandat , de dépôt , de prêt à ufage , de nantifTe- ment : dans ces Contrats , l'obligation que contracte le mandataire de rendre compte de fa commiflion , celles que con- tractent le dépofitaire , l'emprunteur, ou le créancier de rendre la chofe qui leur a été donnée à titre de dépôt , de prêt à ufage , ou de nantinement , font les feules obligations principales de ces Con- trats : celles que contracte le mandant , ou celui qui a donné la chofe en dépôt,

/

ao Tr. des Oblig.

ou en nantuTement , ou qui l'a prêtée , ne font que des obligations incidentes , auxquelles donne lieu depuis le contrat , la dépenfe qui a été faite par l'autre par- tie pour Pexécution du mandat , ou pour la confervation de la chofe donnée à titre de prêt , de dépôt , ou de nantiffement. Au lieu que l'adion qui naît de l'obli- gation principale s'appelle Aciio dirccia , celle qui naît de ces obligations inciden- tes fe nomme Aciio contraria,

10. iv. On divife les Contrats en ceux qui fe forment par le feul confentement des parties , & qui pour cela font appel- lés Contrats confenfuels , tels que la ven- te, le louage , le mandat , &cc. & ceux ou il erl: néceflaire qu'il intervienne quelque chofe outre le confentement ; tels font les Contrats de prêt d'argent , de prêt à ufage , de dépôt , de nantifTe- ment, qui par la nature du Contrat exi- gent la tradition de la chofe qui eft l'ob- jet de ces conventions ; on les appelle Contrats réels.

1 1. Quoique le feul confentement des parties fufnfe pour la perfection des Con- trats confenfuels ; néanmoins fi les par- ties , en contractant une vente , ou un louage , ou quelqu'autre efpece de mar- ché , font convenues d'en paner un adle pardevant Notaires , avec intention que

P jtRT. I. CHAP. I. 21

le marché ne feroit parfait & conclu que lorfque l'acte auroit reçu fa forme entière par la fignature des parties &: du Notai- re , le Contrat ne recevra effectivement fa perfection que lorfque l'acte du No- taire aura reçu la fienne ; & les parties, quoique d'accord fur les conditions du marché , pourront licitement fe dédire avant que l'acte ait été figné. C'eft la dé- cifion de la fameufe loi , Contracius 1 7. cod. de fid. injlr. qui fe trouve aufïi aux inflit. tit. de cont. empt. Mais fi en ce cas l'acte ou instrument eft requis pour la perfection du Contrat , ce n'eft pas par la nature du Contrat , qui de foi n'exige pour fa perfection que le feul confente* ment des parties ; mais c'eft parce que les parties contractantes l'ont voulu , Se qu'il eft permis aux parties qui contrac- tent , de faire dépendre leur obligation , de telle condition que bon leur femble. Obfervez que la convention , qu'il fera patte acte devant Notaires d'un mar- ché , ne fait pas par elle-même dépen- dre de cet acte la perfection du marché ; il faut qu'il paroifTe que l'intention des parties , en faifant cette convention , a été de l'en faire dépendre ; c'eft pour- quoi il a été jugé par un Arrêt de M95 » rapporté par Mornac ad d. L. 17. qu'une partie ne pouvoit fe dédire d'un traité de

24 Tr. des Oblig?

vente fait fous les fignaturcs des pafties, quoiqu'il y eût la clanfe , qull en feroit parlé a£re pardevant Notaires , tk. que cet adte n'eût pas encore été pafîe ; parce qu'on ne pouvoit pas conclure de cette claufe feule , que les parties euflent voulu faire dépendre de l'acte devant Notaires la perfection de leur marché, cette claufe ayant pu être ajoutée feulement pour en afïiirer davantage l'exécution 9 par les hy- pothèques que donne un a£te devant No- taire , &. à caufe du rifque qu'un a&e fous fignatures privées court de s'égarer.

Mais lorfque le marché eft verbal , il eft. plus facile à la partie à qui on en demande l'exécution , de s'en dédire en foutenant que le marché n'étoit que pro- jeté jufqu'à la fignature de l'acte devant Notaire qu'on étoit convenu d'en paffer ; parce que les marchés dont l'objet ex- cède cent livres , ne pouvant fe prou- ver par témoins , &: n'y ayant par con- féquent en ce cas d'autre preuve du mar- ché , que cette déclaration , elle doit être prife en fon entier; comme nous le ver- rons en la partie quatrième, N. 799.

Lorfqif il y a un a£le fous fignatures privées d un marché qui n'a pas reçu fa perfection entière par les fignatures de toutes les perfonnes exprimées par l'adte, quelqu'une d'elles s'étant retirée fans ft-

PartI. C h a p. I. ij

gner , celles qui ont figné peuvent le dédire , Se font crues à dire , qu'en fai- sant dreffer cet acl:e , elles ont eu inten- tion de faire dépendre de la perfection de cet acte , leur convention. C'eft fur ce principe que par Arrêt du 1 5 Dé- cembre 1654, rapporté par Soefve , /. 1. cent. 4. chap. 75. La vente d'un office faite par une veuve, tant en fon nom que comme tutrice de fon fils* mineur, à un particulier, par un acte fous fignatures privées , fut déclarée imparfaite , & ce particulier , qui avoit figné l'acte , ren- voyé de la demande de la veuve , aux fins d'exécution de cet acte ; parce que l'acte n'avoit point reçu toute fa perfec- tion , n'ayant pas été figné par le cura- teur du mineur , qui avoit été nommé dans l'acte , comme y comparoiffant pour le mineur, quoiqu'il y fût inutile.

1 2. La troifieme divifion des Contrats 9 cft en Contrats interpelles de part & d'au- tre , Contrats de bienfaifance , et Con- trats mixtes.

Les Contrats intéreflés de part & d'au- tre font ceux qui fe font pour l'intérêt &C l'utilité réciproque de chacune des par- ties ; tels font les Contrats de vente , d'échange , de louage , de conftitution de rente , de fociété , 6c une infinité d'autres.

Les Contrats de bienfaifance font ceux

Ï4 Tr, des Oblig, qui ne fe font que pour l'utilité de l'une des parties contractantes ; tels font le prêt à ufage , le prêt de confomption , le dé- pôt , 6c le mandat.

Les Contrats par lefquels celle des par- ties qui fait un bienfait à l'autre , exige d'elle quelque chofe qui efï au-deffous de la valeur de ce qu'elle lui donne , font des Contrats jnixtes ; telles font les do- nations faites fdus quelque charge impo- fée au donataire.

13. Les Contrats intérefïes de part& d'autre fe fubdivifent en Contrats commu- ta tifs , 6c Contrats aléatoires.

Les Contrats corn mutât ifs font ceux par lefquels chacune des parties contractan- tes donne 6c reçoit ordinairement l'équi- valent de ce qu'elle donne ; tel eft le Contrat de vente ; le vendeur doit don- ner la chofe vendue & recevoir le prix , qui en eft l'équivalent; l'acheteur doit donner le prix , 6c recevoir la chofe vendue , qui en eu l'équivalent.

On les diftribue en quatre clalfes : Do ut des , FACIO utficias , FACIO ut des , Do ut fzcias.

Les Contrats aléatoires font ceux par lefquels l'un des contraclans fans rien donner de fa part , reçoit quelque chofe de l'autre , non par libéralité , mais comme le prix du rifque qu'il a couru ;

tous

Part. I. Chap, I. 15 tous les jeux ibnt des Contrats de cette nature , auiïi bien que les gageures , &C les Contrats d'afîurance.

14. Une quatrième divifion des Con- trats, eft en Contrats principaux & Con- trats acccjjoires. Les Contrats principaux font ceux qui interviennent principale- ment , 6c pour eux-mêmes : les Contrats acceffoires , font ceux qui interviennent pour affurer l'exécution d'un autre Con- trat ; tels font les Contrats de caution- nement &£ de nantiffement.

15. Une cinquième divifion de Con- trats , eft en ceux qui font afîujettis par le Droit civil à certaines règles ou à cer- taines formes , & ceux qui fe règlent par le pur Droit naturel.

Ceux qui font affujettis parmi nous à certaines règles ou à certaines formes , font le Contrat de mariage , le Contrat de donation , le Contrat de lettre de chan- ge , le Contrat de conftitution de rente : les autres conventions ne font félon nos mœurs affujetties à aucunes formes ni à aucunes règles arbitraires preferites par la Loi civile ; &c pourvu qu'elles ne con- tiennent rien de contraire aux loix & aux bonnes moeurs , & qu'elles interviennent entre perfonnes capables de contracter , elles font obligatoires &c produifent une action. Si nos loix ordonnent que celles Tome /, B

16 Tr. des Oblig. dont Fobjet excède la fomme de cent li* vres foient rédigées par écrit , elles n'ont en vue en cela que de régler la manière dont elles doivent être prouvées , dans les cas Ton difconviendroit qu'elles fuiTent intervenues ; mais leur intention n'eft pas que l'écrit foit de la fubftance de la convention ; elle eft fans cela va- lable , & les contra&ans qui ne nient pas qu'elle foit intervenue , peuvent être contraints de l'exécuter ; on peut même ordinairement déférer le ferment décifoi- re à celui qui en difconviendroit ; l'écrit n'eft nécelTaire que pour la preuve , &C non pour la fubftance de la convention.

Article III.

JDes differens vices qui peuvent fe rencontrer dans les Contrats»

16. Les vices qui peuvent fe rencontrer dans les Contrats font l'erreur , la violen- ce , le dol, la lefion, le défaut de caufe dans l'engagement , le défaut de lien. Nous traiterons de ces différens défauts , dans autant de paragraphes féparés.

A l'égard des vices qui réfultent de l'inhabilité de quelques-unes des parties contractantes , ou de ce qui fait l'objet des Contrats , nous en traiterons dans les ■"'* y hn fuivans.

Part. I. Chap. I. 17

§• I.

De l'Erreur.

17. L'erreur eu le plus grand vice des conventions ; car les conventions font formées par le confentement des parties , 6c il ne peut pas y avoir de confentement, lorique les parties ont erré fur l'objet de leur convention , non videntur qui enanl confentire 9 L, 1 1 6. §. 2. de R.juris ,L, 57. de obligat. & acl,

C'eil pourquoi fi quelqu'un entend me vendre une chofe , 6c que j'entende la re- cevoir à titre de prêt ou par préfent , il n'y a en ce cas ni vente , ni prêt , ni do- nation. Si quelqu'un entend me vendre ou me donner une certaine chofe , & que j'entende acheter de lui une autre chofe , ou accepter la donation d'une au- tre chofe , il n'y a ni vente , ni dona- tion : fi quelqu'un entend me vendre une chofe pour un certain prix, 6c que j'en- tende l'acheter pour un moindre prix , il n'y a pas de vente; car dans tous ces cas il n'y a pas de confentement. Sive in ipsd emptione dijjentiam , Jïve in pretio , Jive in quo alio , emptio imperfecla eji. Si ego mefundum emere putarem Cornelianum , tu mihi te vendere S empronianum putajii 5

Bij

*8 Tr, DES ObLIG?

quia in corporc diffenfimus , empiio nuîlâ

ejl , L. g . fF. de contr. empt.

18. L'erreur annulle la convention, non-feulement lorfqu'elle tombe fur la chofe même , mais lorfqu'elle tombe fur la qualité de la chofe que les contrac- tants ont eu principalement en vue , 6c qui fait la fubftance de cette chofe ; c'efl pourquoi fi , voulant acheter une paire de chandeliers d'argent > j'achète de vous une paire de chandeliers que vous me préfentez à vendre , que je prends pour des chandeliers d'argent , quoiqu'ils ne foient que de cuivre argenté; quand même vous n'auriez eu aucun deftein de me tromper , étant dans la même erreur que moi , la convention fera nulle , parce que l'erreur dans laquelle j*ai été , détruit mon confentement ; car la chofe que j'ai voulu acheter eft une paire de chande- liers d'argent , ceux que vous m'avez pré- fentés à vendre étant des chandeliers de cuivre , on ne peut pas dire que ce foit la chofe que j'ai voulu acheter ; c'eft ce que Julien décide en une efpece à peu près femblable , en la loi 41. §. 1. rT. d. t. & Ulpien en la loi 14. ff. d* t. lorfqu'il dit 7 fi ces pro auro veneat , non valet.

Il en eft autrement lorfque l'erreur ne tombe que fur quelque qualité acciden- telle de la chofe : par exemple, j'açhetç

Part. I. Chap. I. 29

chez un Libraire un certain livre dans la laufîe perfuafion qu'il eft excellent , quoi- qu'il ïoit au-defïbus du médiocre ; cette erreur ne détruit pas mon confentement, ni par conféquent le Contrat de vente ; la chofe que j'ai voulu acheter , que j'ai eu en vue , efl véritablement le livre que le Libraire m'a vendu &C non aucune au- tre chofe ; l'erreur dans laquelle j'étois fur la bonté de ce livre , ne tomboit que fur le motif qui me portoit à l'acheter , & n'empêche pas que ce foit véritable- ment le livre que j'ai voulu acheter: or, nous verrons dans peu que le motif, ne détruit pas la convention ; il fuffit que les parties n'ayent pas erré fur la chofe qui en fait l'objet , & in eam rem con- fenferint.

19. L'erreur fur la perfonne avec qui je contracte détruit-elle pareillement le confentement , & annulle-t-elle la con- vention ? Je penfe qu'on doit décider cette queftion par une diftin&ion. Tou- tes les fois que la confidération de la perfonne avec qui je veux contra&er, entre pour quelque chofe dans le Con- trat que je veux faire ; l'erreur fur la perfonne détruit mon confentement , & rend par conféquent la convention nulle : par exemple , li , voulant donner ou prê- ter une chofe à Pierre , je la donne ou je

#iij

30 Tr. des Oblig.

la prête à Paul que je prends pour Pierre; cette donation & ce prêt font nuls y par défaut de confentement de ma part ; car je n'ai pas voulu donner ni prêter cette chofe à Paul , je ne l'ai voulu donner ou prêter qu'à Pierre ; la confidération de la perfonne de Pierre entroit dans la do- nation ou le prêt que je voulois faire.

Pareillement fi , voulant faire faire un tableau par Natoire , je fais marché pour faire ce tableau avec Jacques que je prends pour Natoire ? le marché eft nul faute de confentement de ma part; car je n'ai pas voulu faire faire un tableau par Jacques , mais par Natoire ; la confidération de la perfonne de Natoire &c de fa" réputation entroient dans le marché que je voulois faire.

Obfervez néanmoins que fi Jacques , qui ignoroit que je le prenois pour Na- toire a , en conféquence de cette conven- tion erronnée , fait le tableau ; je ferai obligé de le prendre & de payer , fui- vant le dire des experts; mais ce n'eft pas en ce cas la convention qui m'y obli- ge , cette convention qui eft nulle ne pouvant produire aucune obligation ; la caufe de mon obligation eft en ce cas l'é- quité qui m'oblige à indemnifer celui que j'ai par mon imprudence induit en erreur : il naît de cette obligation , une action qui s'appelle aciio in faclum.

P A R T. I. C H A P. I. 31

Nous avons vu que l'erreur fur la per- fonne annulle la convention , toutes les fois que la confidération de la perfonne entre dans la convention.

Au contraire lorfque la considération de la perfonne avec qui je croyois con- tracter n'eft entrée pour rien dans le Con- trat , & que le Contrat eft un Contrat que j'aurois également voulu faire avec quelque perfonne que ce fut , comme avec celui avec qui j'ai cru contracter; le Contrat doit être valable : par exem- ple . j'ai acheté chez un Libraire un livre en blanc , qu'il s'eft obligé de me livrer relié ; quoique ce Libraire en me le ven- dant , ait cru le vendre à Pierre à qui je rcffemble , qu'il m'ait nommé du nom de Pierre en me le vendant fans que je l'aye défabufé ; cette erreur en laquelle il a été fur la perfonne à qui il vendoit fon livre , n'annulle pas la convention , & ne peut fonder le refus qu'il feroit de me livrer ce livre pour le prix con- venu , dans le cas auquel le Livre depuis le marché feroit enchéri : car quoiqu'il ait cru vendre fon livre à Pierre , néan- moins comme il lui étoit indifférent à qui il débitât fa marchandife , ce n'eft pas précifément & perfonnellement à Pierre qu'il a voulu vendre ce livre , mais à la perfonne qui lui donneroit le prix qu'il

Biv

32. T R. DES Oblig,

demandoit , quelle qu'elle fût 5 &C paf conféquent il eil vrai de dire que c'en: à moi qui étois cette perfonne , à qui il a voulu vendre ion livre , & envers qui il s'efl obligé de le livrer : c'efl l'avis de Barbeyrac fur Puffendorf, L. 3. ch. 6* n. 7. Not. 2.

20. L'erreur dans le motif annulle- t-elle la convention? PufendorfF, /. 3. chap. 6. n. 7. penie qu'elle l'annulle , pourvu que j'aye fait part à celui avec qui je contraclois de ce motif erronné qui me portoit à contracter; parce au'en ce cas les parties doivent , fuivant fon avis , être cenfées avoir voulu faire dé- pendre leur convention , de la vérité de ce motif , comme d'une efpece de con- dition ; il rapporte pour exemple , le cas auquel fur un faux avis de la mort de mes chevaux , j'en aurois acheté , en faifant part dans la converfation à mon vendeur de la nouvelle que j'avois eue ; il penfe que dans ce cas , lorfque j'aurai eu avis de la faufleté de la nouvelle , je pourrai me difpenfer de tenir le marché , pourvu qu'il n'ait pas encore été exécuté ni de part ni d'autre , & à la charge par moi de dédommager le vendeur, s'ilfouf- froit quelque chofe de l'inexécution du marché.

Barbeyrac fait très -bien remarquer

Part. I. Chap. T. 3?

Finconféquence de cette raifort ; car s'il étoit vrai que nous eurlions fait dépen- dre notre convention , de la vérité de la nouvelle que j'a\ois eue, la nouvelle fe trouvant fauffe , la convention feroit ab- folument nulle , dcfcciu conditionis ; & le vendeur ne pourroit par conféquent pré- tendre aucuns dommages & intérêts pour fon inexécution. Barbeyrac décide enfuite fort bien que cette erreur dans le motif ne donne aucune atteinte à la conven- tion : en effet de même que dans les legs , la fauffeté du motif dont le teftateur s'eft expliqué , n'influe pas fur le legs &: ne l'empêche pas d'être valable, ( inftit. th. de hgat. §. 3 2. /. 72. §. 6. ff. decond. & demï) parce qu'il n'en eft pas moins vrai que le teftateur a voulu faire le legs , & qu'on ne peut pas conclure de ce qu'il a dit fur le motif qui le portoit à léguer , qu'il a voulu faire dépendre fon legs de la vérité de ce motif comme d'une condition , il cela n'eft juftifié d'ailleurs ; de même & à bien plus forte raifon doit-on décider, à l'égard des conventions , que l'erreur dans le motif qui a porté l'une des par- ties à contracter , n'influe pas fur la con- vention , ne l'empêche pas d'être va- lable ; parce qu'il y a beaucoup moins lieu de préfumer que les parties aye nt voulu faire dépendre leur convention , de

A v

34 Tr. des Oblig. la vérité de ce motif, comme d'une con- dition ; les conditions devant s'interpré- ter prout fonant , & les conditions qui n'y peuvent être appofées que par la volonté des deux parties , devant s'y fup- pléer bien plus difficilement que dans les legs»

§. IL

Du défaut de liberté.

il. Le confentement qui forme les conventions doit être libre ; fi le confen- tement de quelqu'un des contractants a été extorqué par la violence , le Contrat eu. vicieux ; au refte comme le confente- ment quoiqu'extorqué par violence eft un confentement tel quel , voluntas coacla tfl voluntas ( gloffl ad L. it §. 5. ff. quod met. cauf. ) on ne peut pas dire comme dans le cas de l'erreur, qu'il n'y ait point eu abfolument de Contrat ; il y en a un, mais il eft vicieux; & celui dont le confentement a été extorqué par vio- lence , ou bien fes héritiers ou cefîion- naires, peuvent le faire annuller &c ref- cinder, en obtenant pour cet effet des lettres de refcifion.

Que fi depuis que la violence a ceffé , il a approuvé le Contrat, foit expreffé- jnent , foit tacitement en laiffant paffer

Part. I. Chap. I. jj

le temps de la reftitution qui efï de dix ans , depuis que la violence a ceffé ; le vice du Contrat eft purgé.

ix. Lorfque la violence a été commife par celui avec qui j'ai contracté ? ou lors- qu'il en a été participant , la convention n'eft pas valable , ni félon le droit civil qui donne une action pour la faire ref- cinder , ni même félon le Droit naturel ; car quand on fuppoferok qu'il réfulteroit une Obligation de ma part envers vous , du confentement que j'ai donné au con- trat quoiqu'extorqué par violence ; l'in- juftice que vous avez commife envers moi , en exerçant cette violence , vous oblige de votre côté à m'indemnifer de ce que j'en ai fouffert , & cette indem- nité confifte à m'acquitter de l'Obliga- tion que vous m'avez obligé de contrac- ter ; d'où il fuit que mon Obligation r quand on en fuppoferoit une , ne peut être valable félon le Droit naturel; c'effc la raifon que donne Grotius de Jure belL lib. 2. cap, //. n. y.

23. Lorfque la violence qu'on a exer- cée contre moi pour me contraindre à contracter , a été exercée par un tiers , fans que celui avec qui j'ai contracté en ait été participant ; le Droit civil ne laiffe pas de venir à mon fecours 5 &C il lefçlade toutes les Obligations contraç>

36 Tr. des Oïïlig.j

tées par violence , de quelque part q%té foit venue la violence ; c'efî ce qui ré- sulte de ces termes de la loi 9. §. 1. ff. Quod met. Prœtor generaliur * , & in REM loquitur : mais Grotius prétend que ce n'eft en ce cas que du Droit civil que je tiens la refcifion de mon Obligation qui feroit valable dans les termes du pur Droit naturel; il n'y a v félon lui, que le Droit civil qui répute pour imparfait mon confentement 9 à caufe du trouble d'efprit que m'a caufé la violence 9 à peu? près de la même manière qu'il réputé pour imparfait le confentement des mi- neurs , lorfqu'il leur accorde la restitu- tion contre leurs contrats propter infirmi- tatem fudicii ; mais félon cet auteur , aux* termes du pur Droit naturel , mon con- fentement quoique donné dans le trou- ble que caufe la violence ne laifle pas d'être un vrai confentement fuffifant pour former une Obligation , de même que celui d'un mineur , quoiqu'il n'ait pas encore toute la maturité d'entendement y que donne un âge plus avancé.

Pufendorf & Barbeyrac penfent au

*Ideft: itnpeiTonaliter loquitur , de folâ re, de folâ illatâ , non attendens per quem illata fn , an per ip£um.cumj quo invitus contraxi , an per alium: c'eft pourquoi les Ba- jiliques ont retranché les tezmesfciente emptere qui fe trou- Vent dans la Loi 5. cad- de bis qnce vi, C?c. étant indiffé- rent, que celui à qui j'ai été contraint par violence de vendre^ su eu connoiflançc ou non de cette violente.

Part. I. Chap. I. 37 contraire , que dans les termes même du pur Droit naturel , lorfque j'ai été con- traint par violence à contracter , le con- trat ne m'oblige point , quoique celui avec qui j'ai contracté n'ait eu aucune part à violence.

Voici la raifon qu'en apporte Barbey- rac. Il eft vrai , dit-il qu'un confente- ment quoiqu'extorqué par violence eu: un consentement , coacia voluntas volun- tas eft'y &. ilfuffit pour nous rendre cou- pables , lorfque nous confentons , quoi- que contraints y à faire ce que la loi na- turelle défend , ou à nous abftenir de ce qu'elle commande ; ainfi un Chrétien etoit coupable , lorfqu'il facrifîoit aux Idoles , quoiqu'il y fût contraint par la crainte de la mort & des fupplices : mais quoique le confentement extorqué paf violence foit un vrai confentement , il ne fuffit pas pour nous obliger valablement , à donner ou à faire ce que nous avons promis à quelqu'un ; parce que la loi na- turelle ayant fournis à notre choix libre & fpontanée , tout ce qu'elle permet ,. ce ne peut être que par un confente- ment libre & fpontanée , que nous pou- vons nous obliger envers quelqu'un , à lui donner ou à faire, ce que la loi na-t turelle nous permettoit de lui donner ou de ne lui pas donner % de faire ou de ne pas faire.

38 Tr. dès Oblig,

La convention n'en eft donc pas moins vicieufe , quoique celui avec qui on m'a forcé de faire cette convention , n'ait pas eu de part à la violence qui m'a été faite ; car quoiqu'il n'y ait pas eu de part , mon confentement n'en a pas moins été imparfait ; &c c'eft à cette imperfection de mon confentement que la loi a égard pour me délier de l'obligation qu'on pré- tendrait en réfulter : Nequc enim lex adhi-* benti vim irafcitur , fed pàjjo fuccurrit; & iniquum illi yidetur id ratum effe , quo<£ aliquis 9 non quia voluit , paclus efl , fed quia coacius efl : nihil autem refert per quem illi neceffe fuit ; iniquum enim , quod ref- cinditur , facit pcrfona ejus qki pajjus efl , non pcrfona facientis. Senec, controver, IV. 26.

24. Pufendorf excepte un cas auquel l'obligation , quoique contractée par l'im- preffion de la crainte , que me caufe la violence qu'on exerce fur moi , ne laiffe pas d'être valable; c'eftle cas auquel j'au- rois promis quelque chofe à quelqu'un pour qu'il vînt à mon fecours , &: qu'il me délivrât de la violence qu'un autre exercoit fur moi : par exemple , fi étant attaqué par des voleurs , j'apperçois quel- qu'un à qui je promets une fomme pour qu'il me vienne délivrer d'entre leurs ïiïains ; cette obligation y quoique cm-

P A R T. I. CHAP. I. J9

tractée fous l'impreffion de la crainte de la mort , fera valable. C'eft aufîi la dé- ciiion de la Loi $. §. i. jff\ Qjiod met, cntf. Eleganter Pomponius ait :jî qub mu- gis te de vi hojiium vel latronum tuerer 9 aliquid à te accepero , vel te obligavero y non debere me hoc ediclo tenzri. . . . ego enim Qpcrœ potiîis meœ, mercedem accepijje videor.

Néanmoins û j'avois promis une fom- me excefîive , je pourrois faire réduire mon obligation à la fomme à laquelle on apprecieroit la jufte récompenfe du fervice qui m'a été rendu.

25. La violence qui fait pécher le contrat , par défaut de liberté ? doit , fé- lon les principes du Droit Romain , être une violence capable de faire imprefïion fur une perfonne courageufe , metus non vani hominis 9 fed qui, in homine conflan- lijjîmo cadat , L, 6* ffl diclo litulo.

Il faut que la partie qui prétend avoir été forcée à. contracter > ait été intimidée par la crainte d'un grand mal , metu ma- joris malita'tis , L, 5. ffl d. tit. foit en fa propre perfonne y foit en celle de fes en- fans , ou de quelqu'autre de (es proches y nam nihil interefi infe quis veritusjit 9 an in liberis fuis , L. S. §. 3. d. tit. Il faut que ce foit un mal qu'elle ait été mena- cée d'endurer fur le champ , fi elle ne faifoit ce qu'on lui propofoit , metum pr*-

.,/'

T r. des Oblig. fentem , non fufpicioncm inferendi cjus , L, 9. jff. diclo titulo,

Lorfque les menaces dont quelqu'un s'eft fërvi pour me faire contracter avec lui quelqu'engagement , ne font que me- naces vagues Se pour l'avenir, dont je me fuis vainement intimidé , quoique , félon le principe du Droit Pvomain , le contrat ne foit pas eftimé pécher en ce cas par le défaut de liberté dans le con- fentement , il ne faut pas en conclure que cette manœuvre doive être impunie, Se que le contrat doive fubfifter. La Loi 7. ffl d. tit. dit bien , Si qui s meticulofus rem nullam frujîrà timuerit 9 PER hoc EDI C TU M non rcjlituitur. Mais elle ne dit pas abfolument non rcfiituitur : fi le contrat ne pèche pas en ce cas par le défaut de ce que les loix jugent requis , pour la liberté du confentement , il pè- che par le défaut de la bonne foi , qui doit régner dans tous les contrats.

Cette manœuvre dont s'eft fervi celui avec qui j'ai contracté , eft une injuftice qui l'oblige envers moi à la réparation du tort qu'elle m'a caufé , & c'eft dans la refeinon du contrat que confifte la répa- ration du tort : Grotius y diclo loco.

Que fi c'eft par le fait d'un tiers que je me fuis lahTé vainement intimider; & que celui avec qui j'ai contracté ? n'y ait au-

P A R T. I. C H A P. I. 41

fcune part , le contrat fera valable , & j'aurai feulement l'action de dolo contre celui qui m'a intimidé.

Tous ces principes du Droit Romain font très-juftes ck pris dans le Droit natu- rel , fauf que celui qui ne reconnoit d'au- tre crainte fuffifante pour faire pécher un contrat par défaut de liberté , que celle qui eft capable de faire impreffion fur l'homme le plus courageux , eft trop rigide , & ne doit pas être parmi nous fuivi à la lettre;. mais on doit en cette matière avoir égard à l'âge , au fexe &C à la condition des perfonnes ; & telle crainte qui ne feroit pas jugée fuffifante pour avoir fufHfamment intimidé l'efprit d'un homme d'un âge mûr , &t d'un mi- litaire , & pour faire en conféquence res- cinder le contrat gif il auroit fait , peut être jugée fuffifante à l'égard d'une fem- me ou d'un vieillard. Voyez Brunneman ad L. 6. ffl quod met. c. & les Docteurs par lui cites.

26. La violence qui peut donner lieu à la refcifion du contrat doit être une violence injurie , adverfus bonos mores , Z. 3. §. i.ff.d. tit. Les voies de droit ne peuvent jamais parler pour une vio- lence de cette efpece , c'eft pourquoi un débiteur ne peut jamais fe pourvoir con- tre un contrat qu'il a fait avec fon créan-

^2 Tr. des Oblic. cier , fur le feuî prétexte qu'il a été in- timidé par les menaces que ce créan- cier lui a faites d'exercer contre lui les contraintes par corps qu'il avoit droit d'exercer , ni même fur le prétexte qu'il a fait ce contrat en prifon, lorfque le créancier a eu droit de l'emprifonner ; la Loi 22. ff. quod met. eau), qui dit : qui in carcerem quem detrufit ut aliquid ei extorque- ret , quicquid ob hanc caufam ficlum efl , nullius momenîi eji , doit s'entendre d'un emprifonnement injurie. V. WifTenbach , P. i. difp. 13./;. 22.

27. La crainte de déplaire à un père , à une mère , ou autres perfonnes à qui on doit des égards , n'eit pas non plus une crainte qui rende vicieux le contrat fait par l'impreflion de Cette efpece de crainte, L. %%. ff, de Rit, nupt. L> 26. §. i.jf* de pign. & hyp. Duaren ad h. T. & WifTenbach, difp. 13. th. 13 , &c. Mais fi celui qui a une perfonne fous fa puii- fance avoit employé les mauvais traite- mens ou les menaces pour le forcer à contracter , le contrat pourrait , félon les circonflances , être fujet à refcifion.

S- m.

Du Dot.

18. On appelle Dol toute efpece d'ar- tifice dont quelqu'un fe fert pour tromper

P A R T. I. C H A P. I. 45

lin autre. Labto définit dolum , omntm calliditatzm , fallaciam , machinationem , ad circamvtnundum , falLndum , decipien- dum alurum ,adhibitam . L. i . §. i.ff.dtdoL 19. Lorfqu'une partie a été engagée à contracter par le Dol de l'autre , le con- trat n'eft pas absolument & effentielle- ment nul , parce qu'un confentement , quoique furpris , ne laiffe pas d'être con- fentement ; mais ce contrat eft vicieux, & la partie qui a été furprife peut dans les dix ans, en prenant des lettres de refcifion, le faire refcinder, parce qu'il pèche contre la bonne foi qui doit ré- gner dans les contrats, Ajoutez que û ma promeffe m'engage envers vous , le Dol que vous avez commis envers moi , en furprenant de moi cette promeffe , vous engage à m'indeïnnifer , & par confé- quent à me décharger de cette promeffe. 30. Dans le for intérieur on doit re- garder comme contraire à cette bonne foi , tout ce qui s'écarte tant foit peu de la fincérité la plus exacte &: la plus fcnipuleufe ; la feule dirTimuîation fur ce qui concerne la choie qui fait l'objet du marché, que la partie avec qui je con- tracte auroit intérêt de favoir , eft con- traire à cette bonne foi ; car nous étant commandé d'aimer notre prochain autant que nous-mêmes , il ne peut nous être

%4 Tr. des Obltg.

permis de lui rien cacher, de ce que nous n'aurions pas voulu qu'on nous ca- chât , fi nous eufîions été à fa place. Cette matière a été traitée au long en notre Traité du contrat de vente , Part, x. ck.z. Part. 3. S tel. 2.

Dans le for extérieur une partie ne fe- roit pas écoutée à fe plaindre de ces lé- gères atteintes que celui avec qui il a contracté auroit donné à la bonne foi ; autrement il y auroit un trop grand nom- bre de conventions qui feroient dans le cas de la refcifion ; ce qui donneroit lieu à trop de procès , & cauferoit un dé- rangement dans le commerce ; il n'y a que ce qui bleffe ouvertement la bonne foi , qui foit dans ce for , regardé comme un vrai Dol fumTant pour donner lieu à la refeilion du contrat ; telles que toutes les mauvaifes manœuvres , 6c tous les mauvais artifices qu'une partie auroit em- ployés pour engager l'autre à contrac- ter , & ces mauvaifes manœuvres doi- vent être pleinement juflifîées. Dolutn nonnijî perfpïcuis indiciis probari convertit* X. 6. cod. de dol. mal.

3 1 . Il n'y a que le Dol qui a donné lieu au contrat , qui puiffe donner lieu à la refcifion ; c'efl-à-dire le Dol par lequel Tune des parties a engagé l'autre à contracter, qui n'auroit pas contracté

Part. I. Chap. I. 45

fans cela ; tout autre dol qui intervient dans les contrats, donne feulement lieu à des dommages & intérêts , pour la ré- paration du tort qu'il a caufé à la partie qui a été trompée.

32. Il faut auffi pour que je puiffe faire refcinder mon engagement , que le dol qu'on a employé pour me porter à contracter , ait été commis par la per- fonne avec qui j'ai contracté , ou du moins qu'elle en ait été participante : s'il a été commis fans fa participation , & que je n'aye pas d'ailleurs fouffert une léfion énorme, mon engagement efl va- lable , & n'eft pas fujet à refcifion ; j'ai feulement action contre le tiers qui m'a trompé , pour mes dommages 6c intérêts,

s- IV-

De la UJlon entre Majeurs.

3 3 . L'équité doit régner dans les con* t'entions , d'où il fuit que dans les con- trats intéreffés dans lefquels l'un des con- traclans donne ou fait quelque chofe , pour recevoir quelqu'autre chofe com- me le prix de ce qu'il donne ou de ce qu'il fait , la léfion que fouffre l'un des contra&ans , quand même l'autre n'auroit recours à aucun artifice pour le tromper^

46 Tr. des Oblig. eu feule fiiffifante par elle-même pour rendre ces contrats vicieux. Cari' équité en fait de commerce confiflant dans l'éga- lité , dès que cette égalité Méfiée , & que l'un des contractons donne plus qu'il ne reçoit ; le contrat e# vicieux , parce qu'il pèche contre l'équité qui y doit régner.

D'ailleurs il y a de l'imperfe&ion dans le conientement de la partie léfée ; car elle n'a voulu donner ce qu'elle a donné par le contrat , que dans la fauffe fup- pofition , que ce qu'elle recevoit à la pla- ce , valait autant que ce qu'elle don-; noit ; &: elle étoit dans la difpofition , de ne \ ouioir le donner , fi elle eût fçu que ce qu'elle recevoit , valoit moins.

Au refte, il faut obferver i°. que le prix des chofes ne confifle pas ordinaire- ment dans un point indivifible ; il a une certaine étendue , fur laquelle il efl per- mis aux contraftans de fe débattre ; & il .n'y a pas de léfion , ni par conféquent d'iniquité , dans un contrat , à moins que ce que l'un des contraclans a reçu , ne foit au-deffus du plus haut prix de la chofe qu'il a donnée , ou au-defîbus du plus bas, Voy. notre Traité du contrat de vente > 242.

34. 20. Quoique toute léfion quelle qu'elle foit, rende les contrats iniques y

Part. T. Chap. I. 47 & par conséquent vicieux , & que le for intérieur oblige à fuppléef le jufté prix ; néanmoins dans le for extérieur , les ma- jeurs ne font point écoutés à fe plaindre de leurs conventions , pour caufe de lé- fion , à moins qu'elle ne foit énorme , ce qui a été fagement établi pour la su* reté & la liberté du commerce , qui exige qu'on ne puiile facilement revenir con- tre les conventions ; autrement nous n'o- ferions contracter, dans la crainte que celui avec qui nous aurions contracté s'imaginant avoir été léfé , ne nous fît par la fuite un procès.

On eflime communément énorme la léfion qui excède la moitié du jufle prix ; celui qui a fouffert cette léfion peut dans les dix ans du contrat , en obtenant des lettres de refcifion , en demander la nul- lité. V. fur cette a&ion refcifoire notre Traité du contrat de vente, P. 5 . c. 2 . S. 2.

3 5. Il y a néanmoins certaines conven- tions dans lefquelles l'égalité efl plus par- ticulièrement requife , tels que font les partages entre cohéritiers ou coproprié- taires, Molin. de ufur. Quœji. 14.77. 182.

A l'égard de ces conventions il fuffit que la léfion excède le quart du jufte prix , pour qu'elle donne lieu à la refti- tution.

C'eft ce que les praticiens appellent lé-

48 Tr. des ObliG.

fion du tiers au quart , c'en> à-dire une lé- fion qui roule entre le tiers &: le quart qui peut ne pas aller tout-à-fait jufqu'au tiers , mais qui doit au moins excéder le quart : par exemple , fi j'ai été léfé dans un partage dans lequel il auroit me re- venir douze mille livres pour mon lot , il n'eft pas ce flaire pour que je puifie me pourvoir contre, que la léiion que j'ai foufferte aille jufqu'à la fomme de quatre mille livres qui eft le tiers de ce que j'au- rois avoir , il fuffit qu'elle excède celle de trois mille livres qui en eft. le quart. Imbert. enchirid. au titre divif. & partage mal fait.

36. Au contraire il y a certaines con- ventions contre lefquelles les majeurs ne peuvent être reftitués , pour caufe de lé- sion quelque énorme qu'elle foit.

Telles font les transactions fuivant l'E- dit de François II. du mois d'Avril 1 560. On appelle tranfa&ions les conventions qui fe font fur des prétentions pour lef- quelles il y avoit entre les parties procès , ou prêt à mouvoir.

La raifon de. l'Edit fe tire de la nature particulière de ces conventions. Dans les autres contrats inttrejjes , chacun des contraclans a intention de recevoir au- tant qu'il donne , & de ne rien relâcher de ce qui lui appartient : fon confèntement

n'efl;

P A R T. I. C H A P. ï. 49

n'eft donc pas entièrement parfait , lorf- qli'il elt lefé , puifqu'én ce cas il part d'une erreur dans laquelle il eft , qu'il re- çoit autant qu'il donne ; & c'eft fur le fondement de ce défaut dans fon confen- tement , qu'il eft admis à fe faire reftituer contre le contrat. Au contraire dans les Tranfaclions , par la nature même de ces conventions , les contra&ans ont inten- tion d'éviter un procès , même aux dé- pens de ce qui leur appartient.

De ces principes , il fuit que la difpofï- tion de l'Edit ne doit pas être étendue à des conventions , qui ne décideroient aucune conteftation ? & qui par exemple ne contiendroient autre chofe qu'un par- tage , encore bien qu'elles euffent été qualifiées par le Notaire de Tranfacilon > car ce n'eft pas le nom que le Notaire donne à l'a&e , mais la nature de l'acte , qui en doit régler l'effet.

37. On n'admet guère non plus la res- titution pour caufe de léfion dans les con- trats , dans lefquels le prix de la chofe qui en fait l'objet étant très-incertain , il eft difficile, ou prefqu'impofTible de déterminer quel en eft le jufte prix , 8c de juger par conféquent s'il y a léfion au-delà de la moitié du jufte du prix.

Tel eft le contrat de vente de droit? fucceflifs ; car l'incertitude des dette* Tome L C

50 Tr. des Oblig, qui peuvent furvenîr, rend très-inceN tain le prix des droits fuccefîifs. . Tels font tous les contrats aléatoires ; car quoique les rifques dont fe charge par ces contrats l'un des contraôans , ïbient quelque chofe d'appréciable à prix d'argent , il faut avouer néanmoins qu'il eft très-difficile de déterminer que! en eft le jnfte prix : c'eft pour cette rai- fon qu'on n'admet guère la refcifïon pour caufe de léfion , dans les conftitutions de rentes viagères , dans les contrats d'amirance , ckc.

3 8. Un acheteur qui acheté un héritage plus de moitié au-delà du jufte prix , n'eft pas auffi admis à la reftitution , lorfque ce qui excède le prix intrinfeque , efr. le prix de l'arTeclion : c'eït. ce que nous avons expliqué dans notre Traité du con- trat de vente , Part. 2. ch. 2. art. 4. g. 2.

39. Les contrats qui n'ont pour objet que des chofes mobiliaires , ne font pas au ffi fujets à refcifïon pour la feule caufe de léflon quelle qu'elle foit. La Coutume d'Orléans, art. 446.cn aune difpofition.

La raifon de ce droit peut être , que nos pères faifoient conûfter la richefTe dans les biens-fonds , & faifoient peu de cas des meubles : de-là vient que dans la plupart des matières de notre Droit Fran- çois, les meubles font peu confidérés.

P A îl T. ï. C H A P. î. Y*

îl y a encore une autre raifon tirée du troquent commerce des choies mobiliai- res qui parlent ibuvent en plufieurs mains en peu de temps. Ce commerce feroit troublé , fi on admettoit la reltifution pour caufe de léfion à l'égard des meu- bles.

On n'admet pas non plus la refritution pour caufe de léfion contre les baux à ferme ou à loyer des héritages ; car ces baux ne renferment qu'une difpofition des fruits de l'héritage , qui font quel- que choie de mobilier.

§. v.

De la léfion entre Mineurs.

40. Tout ce que nous venons de dire fur la léfion , a lieu à l'égard des majeurs j mais les mineurs font admis à la reftitu- tion contre leurs conventions , non-feu- lement pour caufe de la léfion énorme ^ mais pour quelque léfion que ce foit , & ils y font admis , même à l'égard des conventions contre lcfcuelles nous avons dit que les majeurs n'étoyent point admis à la reltitution , telles que les tranfaoj tions.

L'Ordonnance de 1539. art. 134. a 1Ï-. pute le temps dans lequel ils d rivent de-

jx Tr. des Obiig, mander cette reftitution ; elle ne permet pas de les y recevoir , après qu'ils ont accompli l'âge de trente- cinq ans.

Obfervez que l'Ordonnance n'a pas dit dans les dix ans après la majorité , parce qu'il y a des Provinces où, on eft majeur à vingt ans , comme en Normandie ; elle a voulu à cet égard égaler tous les ci- toyens , & qu'ils fuffent tous reflituables, jufqu'à l'âge de trente-cinq ans accomplis. 41. Il y a certaines conventions contre lefquelles les mineurs capables de contrac- ter, c'efl-àdire émancipés, ne fontpas refti- tués non plus que les majeurs pour la feule caufe de léfion ; telles font les conven- tions pour l'aliénation , ou l'acquifition des chofes mobiliaires ; la Coutume d'Or- léans en l'article 446. en a une difpofi- tion.

Nous n'en dirons pas davantage , de- vant traiter cette matière dans un Traité particulier.

§. VI.

Du défaut de caufe dans le Contrat.

41. Tout engagement doit avoir une caufe honnête. Dans les contrats intéref* fis , la caufe de l'engagement que con- tracte l'une des parties, eft ce que l'au- tre partie lui donne , ou s'engage de lui

PartI. Chap. ï. 5?

donner , ou le rifque dont elle fe charge. Dans les contrats de Bunfaifancc , la li- béralité que Tune des parties veut exer- cer envers l'autre , efl une caufe fuffi- fante de l'engagement qu'elle contracte envers elle. Mais lorfqu'un engagement n'a aucune caufe , ou , ce qui efl la mê- me choie , lorfque la caufe pour laquelle il a été contracté efl une caufe faufTe , l'en- gagement eil nul , & le contrat qui le renferme efl nul : par exemple , û croyant faufTement vous devoir une fomme de dix mille livres qui vous avoit été léguée par le teflament de mon père , qui a été révoqué par un codicile dont je n'avois pas connoifTance , je me fuis engagé de vous donner un certain héritage en paye- ment de cette fomme ; ce contrat efl nul , parce que la caufe de mon engagement, qui étoit l'acquittement de cette dette , efl une caufe qui s'efl trouvée fauffe ; c'efl pourquoi la faufTeté de la caufe étant reconnue , non-feulement vous ne pou- vez avoir d'adtion pour vous faire livrer l'héritage ; mais fi je vous Pavois déjà livré , j'aurois aclion pour vous le faire rendre, tic cette adlion s'appelle condic- tio fine causa, vid. th. ff] de coud. Jinz causa.

43. Lorfque la caufe pour laquelle l'en- gagement a été contracté ? efl une caufe

C iij

ff Tr. ©es Oblig. qui bleffe la juftke , la bonne foi , ou le* bonnes mœurs , cet engagement eft nul , ainfi que le contrat qui le renferme. Ce principe fert à décider une qu^ftion qui ie préfente fouvent : une terre feigneu» riale a été faifie réellement fur un débi- teur, & adjugée par décret; la partie faifie a une convention avec l'adjudica- taire qu'il lui donneroitune certaine fom- *ne pour qu'elle lui remit les titres. On demande fi cette convention eft valable ? JLa décision dépend de fa voir fi la caufe de cette convention bleffe la juftice. Il eft certain qu'elle la bleffe ; car les titres d'une Seigneurie font un acceffoire de cette Seigneurie , comme les clefs le font d'une maifon ; or , il eft de la nature des chofes acceffoires qu'elles appartiennent à celui à qui la chofe principale appar- tient ; accejforia fcquunlur j us ac dominium rd principalis : les titres appartiennent donc à l'adjudicataire ; l'adjudication en lui transférant la propriété de la Seigneu- rie , lui a transféré celle des titres : la partie faifie lorfqu'elle a hypothéqué cette Seigneurie , a confenti qu'à défont de payement, le créancier pût la vendre par décret , & elle s'eft dès lors obligée à la délaiffer , avec les titres , à l'adjudica- taire , comme û elle l'eût vendue elle-* même : çlle ne peut donc fans injuftiçg

Part. I. Chap. I.

les retenir ; la convention par laquelle elle exige de l'adjudicataire de l'argent pour les lui remettre , a donc une caufe qui bleffe la juftice , ce qui la rend nulle ; c'eft pourquoi , non-feulement elle ne donne aucune action à la partie faifie , po-ii* exiger la fomme qui lui a été pro- inife ; mais fi l'adjudicataire l'avoit payée, il auroit action contr'elle pour la répéter.

43. Obfervez à l'égard de cette a&ion , qu'on doit bien diftinguer , fi la caufe pour laquelle on a promis quelque choie, blefToit la juftice ou les bonnes mœurs , du côté feulement de la partie qui ftipu- loit , ou de la part des deux parties : un exemple du premier cas , eft celui que nous venons de rapporter ci-defTus : lorf- que le faifi a ftipulé une certaine fomme de l'adjudicataire pour qu'il remette les titres ; ce n'eftque de la part du fam* que la juftice eft bleftee, l'adjudicataire n'a de fon côté bleffé ni la juftice ni les bon-

c; mœurs , en promettant cette fomme pour avoir des titres dont ilavoit befoin, 6c qu'on ne vouloit pas lui remettre fans cela; c'en1 dans ce cas & dans les fem- bhbles , qu'il y a lieu à la répétition de ce qui a été donné en exécution de la convention.

Un exemple du fécond cas , eft lorf- iju'un officier a promis une certaine fom-

C iv

56 Tr. des Oblig.

me à un foldat , s'il fe battoit en duel con- tre un foldat d'un autre Régiment; la caufe de cet engagement blefle les bonnes mœurs de la part des deux parties ; car l'officier n'a pas moins bleiTé les loix &C les bonnes moeurs , en faifant cette pro- meuve à ion foldat, que le foldat à qui il l'a faite. Ce fécond cas convient avec le premier, en ce que de même que dans le premier cas , l'engagement eft nul , ayant une caufe qui blefTe les bonnes mœurs ; & en conféquence il n'en peut naître aucune action , & le foldat qui s'eil battu en duel, ne peut exiger de ion officier la fomme qu'il lui a promife pour cela ; mais ce fécond diffère du pre- mier , en ce que , û en exécution de ce contrat, quoique nul, l'officier a payé la fomme convenue , il n^en aura pas la répétition comme dans le cas précédent ; car l'officier qui a promis la récompenfe n'ayant pas moins péché contre les loix &c les bonnes mœurs , que le foldat à qui il l'a promife , il eiï incligne du fecours des loix pour la répétition de la fomme» Cette double décifion eil aux termes des loix mêmes. Ubi dantis & acciphnds turpltudo verfatur, nonpojfe repctl dlclmus... Quotlcs auum acclpicntls turpltudo vcrfatur^ repeti potefi , L. 3. & L. 4. §. i. ff.de con* dut. ob turp. cauf.

Part.!. C h a p. I. 57

44. Il iv cil pas douteux , iiiivant ce que nous venons d'établir, que fi j'ai promis quelque choie à quelqu'un pour commet- tre un crime; putà, pour donner des coups de bâton à quelqu'un qui eft mon ennemi, je ne luis -as obLge dans le for extérieur de tenir certe promette : il y a plus de difficulté à l'égard du for de la conscien- ce. Grotius 11. xi. prétend que ces pro- mettes ne font pas à la vérité obligatoi- res tant que le crime n'a pas été com- mis , & que jufqu'à ce temps celui qui a fait la promette peut s'en dédire en don- nant un contrordre à celui à qui il l'a faite ; mais qii'auiîi-tôt que le crime a été commis , la promette devient obli- gatoire par le droit naturel , & dans le for de la confeience : fa raifon eit que cette promette eu vicieufe en ce qu'elle ett un appas au crime ; or ce vice cette lorfque le crime evt commis & confommé: le vice de cette promette n'exiftant plus , rien n'empêche qu'elle ne produife fon effet, qui eft d'obliger à l'accompliffe- ment , celui qui l'a faite. Il rapporte l'e- xemple du patriarche Juda , qui s'acquit- ta de la promette qu'il avoit faite à Tha- mar pour jouir d'elle.

Pufendorf penfe au contraire , qu'une promette faite à quelqu'un , pour lui faire commettre ua crime , n'ett pas plus obli-

Cv

5$ Tr." des Obli g; gatoire , après qu'il l'a commis , qu'au- paravant ; parce que la récompenfe du crime que renferme l'accompliffement d'une telle promeffe , après que le cri- me a été commis , eft une chofe qui n'eft pas moins contraire au droit naturel &C aux bonnes mœurs , que l'invitation au crime. Si après le crime commis , l'ac- compliffement de la promeffe ne peut plus être un appas pour le commettre , il peut encore être un appas pour en com- mettre d'autres : d'ailleurs toute obliga- tion fuppofe un droit dans laperfonne en- vers qui elle a été contractée ; lorfque j'ai promis quelque chofe à quelqu'un pour commettre un crime , l'acceptation qu'il a faite de la promeffe n'en1 pas moin* criminelle de fa part, que la promeffe même ; or un crime peut-il faire acqué- rir un droit ? Peut-on penfer que la loi naturelle doive favorifèr les fcélérats juf- qu'à leur affurer le falaire de leurs for- faits. Ces raifons me déterminent pour l'avis de Pufendorf.

45. Je foufcris pareillement à la déci- fion qu'il donne enfuite , que fi j'ai vo- lontairement payé après le crime com- mis , ce que j'avois promis à quelqu'un pour le commettre , je n'ai pas plus de droit de le répéter, félon les règles du for de la confcience , que félon celles du for extérieur , quoique j'aie payé en

Par t. I. C h a p. I. 59

t as une choie que je ne devois pas ; il eft bien vrai que la loi naturelle 6k le droit civil accordent la répétition de ce qu'on a payé fans le devoir , lorfque le paye- ment a été fait par erreur : on fuppofe en ce cas que le payement a été fait fous une efpece de condition qu'il y auroit lieu à la répétition , au cas qu'on décou- vrit que la choie n'étoit pas due : quoi- que cette condition n'ait pas été formelle, elle étoit virtuelle, elle eft conforme à la difpofition de volonté, en laquelle étoit celui qui a payé; l'équité qui ne permet pas de profiter de l'erreur d'un autre pour s'enrichir à fes dépens , fait luppofer cette condition ; mais on ne peut faire une pareille fuppofition dans l'efpece dont il s'agit. Celui qui paye , paye avec une parfaite connoifTance de la caufe pour quoi il paye ; il ne peut par conféquent retenir aucun droit pour répéter la chofe dont il s'eft exproprié volontairement , & avec une parfaite connoifTance de cau- fe ; il eft vrai qu'il eft contre le droit na- turel , que quelqu'un foit récompensé de fon crime , & que le repentir que doit avoir celui qui l'a commis , doit le por- ter à abdiquer la récompenfe qu'il en a reçue ; mais cela ne forme qu'une obli- gation imparfaite , telle que celle dont nous avons parlé au commencement de

C vj

6o Tr. des Oblig.

ce Traité ,'»•■*. qui ne donne aucun

droit à une autre perfonne.

46. Une promeffe a-t-elle une caufe lici- te , lorfqu'elle eft. faite à quelqu'un pour qu'il donne ou faffe une chofe qu'il étoit déjà obligé de donner ou de faire ? Pu- fendorf diitingue très-bien fur cette ques- tion, l'obligation parfaite & l'obligation imparfaite. Lorfque l'Obligation n'étoit qu'une obligation imparfaite , la promeffe a une caufe licite , 6c elle eft obligatoire : par exemple , fi j'ai promis quelque chofe à quelqu'un pour qu'il me rendît un fer- vice , quoique la reconnoiffance des bien- faits qu'il a voit reçus de moi , l'obligeât à me rendre ce fervice gratuitement, néanmoins la promeffe que je lui ai faite, a une caufe licite , & elle eff obligatoire ; car n'ayant aucun droit d'exiger de lui ce fervice , il a pu licitement , quoique indécemment , exiger de moi que je lui promiffe quelque chofe , pour me faire acquérir le droit que je n'a vois pas d'exi- ger ce fervice.

Au contraire , lorfque l'obligation eft une obligation parfaite , la promeffe que je fais à mon débiteur de lui donner quel- que chofe , pour qu'il faffe ce qu'il étoit obligé de faire , eft une promeffe nulle , & qui a une caufe illicite , lorfque c'efl lui qui a exigé de moi que je lui û& cette

P A R T. I. C H A P. I. 6 ï

promette ; telle eu celle dont il a été parlé ci-deiTus , qu'un adjudicataire fait à la partie faifie , pour qu'il lui remette les titres du bien qui lui a été adjugé ; car étant obligé de les remettre , c'eft de fa part une exaction , que de faire pro- mettre quelque chofe pour cela.

Mais quoique l'obligation foit une obli- gation parfaite ; fi la promette que j'ai faite à mon débiteur pour qu'il fît ce qu'il étoit obligé de faire , efr. une pro- mette que j'ai faite volontairement , fans qu'il Tait exigée ; la promette eft valable, ck a une cauie licite , & honnête ; la caufe n'étant autre chofe en ce cas qu'une libé- ralité, que j'ai voulu exercer envers lui.

§• vu.

Du défaut de lien dans la perfonne qui promet.

47. Il eft de l'effence des conventions qui confident à promettre quelque chofe, qu'elles produifent dans la perfonne qui a fait la promette , une obligation qui l'oblige à s'en acquitter; d'où il fuit que n'y ayant rien de plus contradictoire avec cette obligation , que l'entière liberté qui lui feroit laiffée de faire ou de ne pas faire ce qu'elle a promis , la convention

f?2 Tr. des Oblig,

qui lui laiiTeroit cette entière liberté , feroit absolument nulle par défaut de lis 72. Si donc, par exemple , je convenois avec vous de vous donner une chofe , au cas que cela me plût , la convention feroit ab- folument nulle.

Les Jurifconfuîtes Romains penfoient qu'il en étoit autrement de la convention par laquelle quelqu'un promettoitde faire quelque chofe lorfquil le voudroit^ ils penfoient que ces termes ne laiffoient pas au choix de celui qui avoit fait la pro- mefTe , de faire ou de ne pas faire ce qu'il avoit promis , qu'ils ne laiffoient . à fon choix que le temps auquel il le feroit , & qu'ainfi la convention étoit va- lable , & oblige oit fes héritiers s'il étoit mort avant que de l'avoir accomplie , L. 46. §.2. & 3. jf. de vcrb. oblig Mais il y a lieu de croire que cette diftin£tion îubtile ne feroit point admife parmi nous , &: que cette convention ne feroit pas plus valable que l'autre.

48. Il y a une vraie obligation lorfque je promets de vous donner quelque chofe, Ji je le juge raifonnabk. Car il n'eil: pas laifTé à mon choix de vous le donner, ou de ne vous le pas donner , puifque je fuis obligé , au cas que cela foit raifonnable , £. 11. §. j. kg. 30.

Enfin quoique j'aie promis une chofe

Part. I. Chap. I. 63

fous une condition poteftative , de ma- nière qu'il dépende de ma volonté de Paccomplir , ou de ne la pas accomplir;- comme , ii je vous ai promis dix piftoles , en cas que j'allaiîe à Paris , la conven- tion eft valable ; car il n'eft pas entière- ment en mon pouvoir de ne les pas don- ner , puifque je ne puis m'en difpenfer, qu'en m'abft'enant d'aller à Paris : 'il y a donc de ma part une obligation & un vé- ritable engagement , L. 3 . jf. de légat, z°?

Article IV.

Des perfonnes qui font capables ou non de contracter,

49. L'efTence de la convention confif- tant , comme nous l'avons vu , dans le confentement , il s'enfuit qu'il faut être capable de confentir , & par conféquent avoir l'ufage de la raifon , pour être ca- pable de contracter.

Il eft donc évident que les enfans ," ni les infenfés ? ni les fous pendant que dure leur folie ? ne peuvent contracter par eux-mêmes; mais ces perfonnes peu- vent contracter par le miniftere de leurs tuteurs , ou curateurs , comme nous le verrons en l'article fuivant , §. 4.

11 eft évident que l'ivreiTe^ lorsqu'elle

^4 Tr. des Oblig.

va jufqu'au point de faire perdre l'ufage de la raifon , rend la perfonne qui eft en cet état , pendant qu'il dure , incapable de contracter, puifqu elle le rend incapa- ble de confentement.

Les Corps &: Communautés, les Fabri- quas , les Hôpitaux , ckc. qui ne font que perfonnes civiles , ne peuvent con- trarier par eux-mêmes , mais ils peuvent COMtra&er par le miniftere de leurs Syn- dics ou Adminiftrateurs.

50. il y a des perfonnes qui étant par la nature capables de contracter , en font rendues incapables par la loi civile ; telles font, dans le pays coutumier, les femmes mariées, lorfqu'elles ne font pas auforifées de leurs maris ou par Jultice ; car c'eft un effet de la puivTance maritale que la femme ne puiiTe rien faire que dépendamment de lui , & autorifée par lui ; d'où il fuit que fans cette autorisation elle eft incapable de faire aucune convention , & qu'elle ne peut ni s'obliger envers les autres , ni obliger les autres envers elle. Nous avons traité cette matière en notre introduction au T. 10. de la Coutume d'Orléans, ch. 8.

Ce n'eft. auiTi que la loi civile qui rend les interdits, pour caufe de prodigalité, incapables de s'obliger en contractant ; car ces perfonnes favent ce qu'elles font , le confentement qu'elles donnent efi un

Part. T. Chap, I. 65

vrai confentement; ce qui fuffit pour for- mer un contrat.

5 1. De-là naît une différence entre ces Interdits , &C ceux qui font interdits pour folie. Tous les contrats prétendus faits par un fou , quoi qu'avant fon interdic- tion, font nuls , fi on peut juftifler , que dès le temps du contrat , il étoit fou ; car c'eft, fa folie qui feule & par elle-même le rend incapable de contracter , indé pendamment de la Sentence d'interdic- tion , qui fert feulement à conftater fa folie : au contraire , les contrats faits par un prodigue avant fon interdiction, font valables , quoiqu'il fût dès-lors prodigue; car ce n'efi: que la Sentence d'interdic- tion qui le rend incapable de contracter.

Néanmoins fi j'avois contracté avec un prodigue , quoiqu'avant fon interdiclîon, en achetant de lui quelque chofe , ou en lui prêtant de l'argent, ayant connoiffan- ce qu'il ne vendoit ou n'empruntoit, crue pour employer incontinent à fes débau- ches le prix de la chofe , ou la fomme prêtée ; le contrat feroit nul dans le for de la confeience , & je ne pourrois en confeience retenir la chofe qu'il m'a ven- due , ni exiger de lui la fomme que je lui ai prêtée ; car en lui fourniffant feiemment de l'argent pour perdre en débauches, je lui ai caufé un tort qui m'oblige envers

%6 Tr. des Oéltg, lui à le réparer , en n'exigeant pas de lût la fomme qu'il a reçue de moi pour la perdre en débauches , & en lui rendant îa cliofe qu'il m'a vendue ; cela efî con- forme à ce qui efî dit en la fin de la loi 8. ff. pro cmpt, qu'on ne doit pas regarder comme acheteur de bonne foi , celui qui a acheté quelque chofe d'unlibertin,ayant connoifiance qu'il ne vendoit que pour en porter le prix à des femmes de mau- vaife vie ; nlji fortlis qui à luxwiofo , & prouvas fcono daturo pecuniam 9 fervos en lit , non ufu c api et.

Ces décifions font bonnes pour le for de la confeience ; mais dans le for exté- rieur une perfonne majeure & non inter-

e , ne feroit pas recevable à fe pour- voir contre une vente ou un emprunt

telle auroit fait, en difant que celui avec qui elle a contracté , favoit qu'elle ne vendoit ou empruntent , que pour per- dre l'argent en débauches.

52. Ce n'efl auffi que le droit civil qui infirme les obligations que des mineurs , fous puifTance de tuteur , contractent fans l'autorité de leur tuteur, lorfqu'au temps du contrat , ils font dans un âge allez avancé , & ont un ufage furnfant de leur raifon, pour comprendre toute l'étendue de l'engagement qu'ils contractent ; c'eft pourquoi les mineurs peuvent bien, mê-

Part.!. C h a p. ï. 6?

fhe dans le for de la conicience , ufer du bénéfice des lettres de refcifion que les loix leur accordent , contre les contrats dans lefqueis ils ont été léfés , l'équité naturelle ne permettant pas que celui qui a contracté avec eux profite de leur dé- faut d'expérience ; mais ils ne peuvent dans le for de la confcience avoir recours au bénéfice de ces lettres , qui leur efl offert dans le for extérieur , pour fe dif- penfer de rendre un argent qu'ils ont re- çu & qu'ils ont difîipé , lorfqu'au temps qu'ils ont contracté , ils avoient un ufage niffifant de leur raifon , &c pourvu que celui qui leur a prêté l'argent , ait fait le prêt de bonne foi , fans prévoir qu'ils employeroient en folles dépenfes l'argent ou'il leur prêtoit. C'eft. le fentiment de la Placette , cité par Barbeyrac en fes notes fur Pufendorf.

Il nous refte à obferverune différence entre l'incapacité des interdits &C des mi- neurs , & celle des femmes qui font fous pui,rance de mari : celles-ci font abfolu- ment incapables de contracter fans être autorifées , elles ne peuvent pas plus 9 {ans cela , obliger les autres envers elles en contractant , que s'obliger elles-mê- mes ; elles ne peuvent pas même accep- ter une donation qui leur feroit faite ^ Qrdontit d$ 173 1 , art, 9, au contraire ^

Tr. des Oblig.

les interdits pour prodigalité , & les mi- neurs qui commencent à avoir quelque ufage de raifon , font plutôt incapables de s'obliger en contractant , qu'ils ne font incapables abfolument de contracter ; ils peuvent en contractant fans l'autorité de leur tuteur , ou curateur , obliger les au- tres envers eux, quoiqu'ils ne puiffent s'obliger envers les autres , placuit melio- rem condilionem liccrc eis facere etiam jint tutcris autorïtate , injlit. tit. de autor. tut* Is cul bonis interdiclum ejl , Jîipulando jibï acquirit , L. 6. ff\ de verb. oblig. La rai- fon de cette différence eu que la puilTan- ce des tuteurs &t des curateurs n'eft éta- blie qu'en faveur des mineurs & des in- terdits ; l'affiftancé des tuteurs &c cura- teurs n'eft. requife , Iorfque ces perfonnes contractent, que pour l'intérêt de ces per- fonnes, &C dans la crainte au'elles ne foient trompées ; c'efl pourquoi elle devient fuperflue , toutes les fois qu'elles font leur condition meilleure ; au contraire , la puiflance du mari , fous laquelle eft la femme , n'étant pas établie en faveur de la femme , mais en faveur de fon mari \ le befom qu'elle a de requérir l'autorifa- tion de fon mari pour contracter , n'étant pps requis pour l'intérêt de la femme, mais comme une déférence qu'elle doit à fon mari , elle ne peut contracter en aucune

Part. I. C hap. I. 69

manière , (bit à ion avantage , foit à fou désavantage , fans l'autorité de fon mari, L'Ordonnance de 173 1. n'a donné au- cune atteinte au principe que nous venons d'établir, qu'un mineur peut , fans l'au- torité de fon tuteur > faire fa condition meilleure ; c'eïr. mal-à-propos que Furgol foutient que fuivant l'art. 7. de cette Or- donnance , les mineurs ne peuvent plus, fans l'autorité de leurs tuteurs , accepter les donations qui leur font faites. Cet ar- ticle n'a décidé autre chofe , finon que les père, mère & autres afcendans , fans être tuteurs de leurs enfans, &; fans avoir par conféquent aucune qualité pour gérer leurs affaires , pouvoient néanmoins ac- cepter les donations faites à leurs enfans mineurs 9 aufïï valablement que le peut un tuteur , l'affection naturelle fuppléant en cela à la qualité qui leur manque ; mais de ce que l'Ordonnance permet par cet article à ces perfonnes d'accepter les donations faites à leurs enfans , il ne s'en- fuit pas qu'elle défende aux mineurs de les accepter par eux-mêmes , lorfqu'ils ont l'ufage de la raifon. Foy. notre in* trod. au titre des donations de la Coutu- me £ Orléans ? n, j /.

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68 Tr. des Oblig.

les interdits pour prodigalité , & les mi- neurs qui commencent à avoir quelque ufage de raifon , font plutôt incapables de s'obliger en contractant , qu'ils ne font incapables abfolument de contracter ; ils peuvent en contractant fans l'autorité de leur tuteur , ou curateur , obliger les au- tres envers eux, quoiqu'ils ne puiffent s'obliger envers les autres , placuit melio- rem conditionem licere eis facere etiam fine tutoris autorïtate , inflit. tit. de autor. tut. Is cui bonis interdiclum eji , flipulando Jibi acquirit , L. 6. ff. de verb. oblig. La rai- fon de cette différence eu que la puiffan- ce des tuteurs Se des curateurs n'efï éta- blie qu'en faveur des mineurs & des in- terdits ; l'afTiitance des tuteurs &: cura- teurs n'en1 requife , lorfque ces perfonnes contractent, que pour l'intérêt de ces per- fonnes, & dans la crainte Qu'elles ne foient trompées ; c'en1 pourquoi elle devient fuperflue , toutes les fois qu'elles font leur condition meilleure ; au contraire , la puifTance du mari , fous laquelle eft la femme , n'étant pas établie en faveur de la femme , mais en faveur de fon mari ; le befom qu'elle a de requérir l'autorifa- tion de fon mari pour contracter , n'étant p?*s requis pour l'intérêt de la femme, mais comme une déférence qu'elle doit à fon mari y elle ne peut contracter en aucune

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Part. I. Chap. I. 69

manière, (bit à ion avantage, foit à fou désavantage , fans l'autorité de fon mari. L'Ordonnance de 173 1 . n'a donné au- cune atteinte au principe que nous venons d'établir, qu'un mineur peut , fans l'au- torité de fon tuteur , faire fa condition meilleure ; c'eft mal-à-propos que Furgol foutient que fuivant l'art. 7. de cette Or- donnance , les mineurs ne peuvent plus, fans l'autorité de leurs tuteurs , accepter les donations qui leur font faites. Cet ar- ticle n'a décidé autre chofe , finon que les père , mère & autres afcendans , fans être tuteurs de leurs enfans, & fans avoir par conféquent aucune qualité pour gérer leurs affaires , pouvoient néanmoins ac- cepter les donations faites à leurs enfans mineurs 9 auffi valablement que le peut un tuteur , l'afFeclion naturelle fuppléant en cela à la qualité qui leur manque ; mais de ce que l'Ordonnance permet par cet article à ces perfonnes d'accepter les donations faites à leurs enfans , il ne s'en- fuit pas qu'elle défende aux mineurs de les accepter par eux-mêmes , lorfqu'ils ont l'ufage de la raifon. Voy. notre in* trod, au titre des donations de la Coutil*. mi £ Orléans , n> 3 /.

70 Tr. des Ontidi

Article V,

Z)e ce qui peut être ? objet des contrats. Qui ce ne peut être quune chùfe qui concerna les parties contractantes , fuivant la règle: quon ne peut valablement (lipuler ni promettre que pour foi*

53. Les Contrats ont pour objet ou des chofes que l'une des parties contrac- tantes ftipiile qu'on lui donnera , & que l'autre partie promet de lui donner , ou quelque fait que l'une des parties contrac- tantes flipule que Ton fera , ou qu'on ne fera pas , & que l'autre partie promet de «faire ou de ne pas faire.

Quelles font les chofes que l'une des parties peut (lipuler qu'on lui donne , & que l'autre partie peut s'engager de donner ? Quels font les faits que l'une des paities peut flipuler qu'on fafTe ou qu'on ne faite pas , Si que l'autre partie peut s'engager de faire ou de ne pas faire ? C'eft ce que nous verrons , infrà chapitre 2. article 2. nous traiterons de ce qui peut être l'objet des obliga- tions , nous y renvoyons pour ne pas répéter.

Nous nous contenterons de dévelop- per ici un principe touchant ce qui peut;

P ART. I. CHAP. f.

être l'objet des contrats : ce principe eft qu'il n'y a que ce ay.e Tune des parties c mtraôantes ftipule pour elle-même , &c pareillement , qu'il n'y a que ce que l'au- tre partie promet pour elle-même , qui puirle être l'objet d'un contrat : Alterijli- pul^ri nemo potcfl Injtit. de inut. (lipuL §. 18. Ntc pacijcendo , nec Ugem dlcendoy ncc ftipulando, qwfquam alteri cavere potefl. L. 73. §. fin. ff. de R. J. verfâ vice que. alium fa'âiuum promijît videtur in cd tjjh caufd ut non teneatur niji pœnam ipfe pro- mijerit. Infiit. D. T. §. 20. Alius pro allô promittens daturum faciurumve non obliga- tur ; nam de Ce quemque pramiturt opor-* Un. L. 83 jf. de v. oblig.

Pour développer ce principe , nous verrons dans un premier §. quelles en. font les raifons ; dans un fécond nous rapporterons plufieurs cas dans lesquels nous ftipulons & promettons effective- ment pour nous-mêmes , quoique la con- vention fafTe mention d'un autre ; dans un troisième , nous remarquerons que ce qui concerne un autre que les parties contra étantes , peur être le mode ou la condition d'-.me convention , quoiqu'il n'en puiffe pas être l'objet ; dans un qua- trième , nous obfc > erons qu'on peit con- tracter par le miniftere d'un tiers , ô£ que ce n'eft pas ftipuler ni promettre poux un autre.

jz Tr, des Oblig.

§. I.

Quelles font les raiforts du principe , quon ne peut jlipulcr y ni promettre pour un autre*

54. Lorfque j'ai ftipulé quelque chofe de vous pour un tiers , la convention eil nulle ; car vous ne contractez par cette convention aucune obligation ni envers ce tiers , niejivers moi. Il eft évident que vous n en contractez aucune envers ce tiers ; car c'efl un principe que les conventions ne peuvent avoir d'effet qu'entre les parties contractantes , & qu'elles ne peuvent par conséquent ac- quérir aucun droit à un tiers qui n'y étoit pas partie , comme nous le verrons ci- après : vous ne contractez non plus par cette convention aucune obligation ci- vile envers moi ; car ce que j'ai ftipulé de vous pour ce tiers , étant quelque cho- fe à quoi je n'ai aucun intérêt qui puiffe être appréciable à prix d'argent , il ne peut réfulter aucuns dommages & inté- rêts envers moi , du manquement de vo- tre promette ; vous y pouvez donc man* quer impunément : or , rien n'eft plus contradictoire avec l'obligation civile , que le pouvoir d'y contrevenir impuné- ment; c'eil ce que veut dire Ulpien,

lorfqu'il

Part. I. Chap, I. 73

lorfqu'il dit ; alitri fiipulari ncmb potcji , inventa funt enim obiigjtiones ad hoc ut unuj qui/que fibi acquirat quoi fiui intenjl*9 eut cru m ut al il detur nihil interejî mea. 38. §. 17. jff'.' de verb. obi.

S 5. Cette première partie de notre principe , qu'il n'y a que ce que Tune

s parties ftipule pour elle-même , qui puirfe être l'objet d'une obligation , n'a lieu que dans le for extérieur, & à l'é- gard des obligations civiles : mais dans le for de la confeience , lorique je luis convenu avec vous , que vous donneriez quelque chofe à un tiers , ou que vous feriez quelque chofe en faveur d'un tiers , la convention en1 valable : quoique l'in- térêt que j'y prends ne foit pas un inté- rêt appréciable à prix d'argent , il ne lai (Te pas d'être un véritable intérêt : ho- minls enim intereji , alterum hominem bérle- ficîo afjîci ; & cet intérêt de pure affeclîon pour ce tiers , me donne un droit furh- iant pour exiger de vous dans le for de la confeience , l'accomplnTement de la promefTe que vous m'avez faite pour ce tiers, &: pour vous rendre coupable , fi vous refufez de l'accomplir , lorfque vous avez le pouvoir de le faire , & que le tiers veut bien accepter ce que vous m'a- vez promis de lui donner. Il eft vrai que mon intérêt n'étant pas appréciable à prix Tome /, D

74 Tr. des Oblig. d'argent , &C ne pouvant par conféquent être l'objet d'une condamnation , je ne pourrai exiger de vous dans les tribuaux aucuns intérêts ni dommages, fi vous man- quez à votre promerTe ; mais ce pouvoir que vous avez d'y manquer impunément dans le for extérieur , eft un obflacle à l'o- bligation civile , 6c il n'empêche pas l'obli- gation naturelle. Grotius, L z.c.n.n. 1 8.

Obfervez que l'obligation naturelle qui réfuïte de cette convention , par laquelle j'ai flipulé que vous donneriez quelque chofe à un tiers , eft une obligation qui eil contractée envers moi , & non pas envers ce tiers , lorfque c'eft en mon nom , ôc non au nom du tiers que je fuis convenu de cela avec vous ; c'efl pourquoi je peux vous en décharger fans îe cpnfentement de ce tiers. Grotius ibid. Pufindorf.

Mais li c'étoit au nom du tiers comme ayant charge & me faifant fort de lui , que nous ferions convenus que vous lui don- neriez , ou feriez pour lui quelque chofe , ce feroit ce tiers qui feroit cenfé avoir contracté avec vous par mon miniftere , &: non pas moi. Voyz^ infrà le §. 4

56, La féconde partie de ce principe , qu'on ne peut promettre que pour foi- même eft: évidente ; car lorfque j'ai pro- mis qu'un autrç vous donneront quelque

Part. I. Chap. ï, 75

chofe ou feroit quelque chofe , fans me taire fort de lui , ni rien promettre de ma part ; cette convention ne peut obli- ger ni ce tiers ni moi. Elle ne peut obli- ger le tiers ; car il n'eft. pas en mon pou- voir d'obliger un autre fans fon fait ; elle ne m'oblige pas non plus ; car puifqu'on iiippofe que j'ai promis pour un autre & non pour moi , je n'ai pas entendu m'o- bli| er.

Au relie , on préfume facilement que celui qui a promis qu'un tiers donneroit, ou feroit quelque chofe , n'a pas entendu , pure de alio promit tere , mais qu'il a enten- du promettre aufîi de fe , c'eûVà-dire pro- mettre qu'il fe faifoit fort de ce tiers , quoique cela ne foit pas exprimé.

En ce cas la convention efr. valable , &I elle oblige celui qui a promis , aux dommages & intérêts réfultans de l'ine- xécution de ce dont il s'eû fait fort. L. 8i. ff\ de verb. oblig.

Lorfqu'en promettant le fait d'un au- tre , vous vous foumettez à payer une certaine peine, ou même fimplement aux dommages & intérêts en cas d'inexécu- tion , il n'eft. pas douteux qu'en ce cas vous n'avez pas entendu promettre fim- plement le fait d'un autre , & de alio tan- tiim promit tere , mais que vous avez en-, tendu vous faire fort de lui , & de te pio-

Dij

y6 Tr. des Oblig.'

mittere ; c'eft pourquoi Ulpien dit : fi quis velit alienum facïum promiture , pœnam vel quanti ea res cjl pot eji promiture. L. 38. §. z.ff. d. t. '

$. I ï.

Pluficurs cas , dans Icfquels nous flipulons ou promettons effèclivement pour nous-mè~ mes , quoique la convention fajje mention £un autre.

Premier Cas.

« 57. Ce n'eft. pas ftipuler pour un autre, que de dire que la chofe ou la fomme que je ftipule fera délivrée ou payée à un tiers défigné par la convention. Par exemple , fi par le contrat je vous vends un tel héritage pour la fomme de mille livres , que vous payerez à Pierre , je ne ftipule point pour un autre ; c'en1 pour moi & non pour Pierre que je ftipule cette fomme de mille livres : Pierre n'eft. dans la convention que comme une perfonne à qui je donne pouvoir de la recevoir pour moi &c en mon nom ; c'efl ce que les Romains appelloient , adjecïusfolutio- nis gratid , dont nous traiterons infrd P. 3. ch. /. art. 2. §. 4.

Ce n'eft. pas en fa perfonne , mais en la mienne que réfide la créance de cette

PartI. C h a p. I. 77

fomme ; lorfqiwi la reçoit , c'eft de ma part 6c en mon nom qu'il la reçoit ; &C en la recevant , il fe forme entre lui & moi , ou un contrat de mandat , fi mon intention étoit qu'il m'en rendît compte, ou une donation fi mon intention étoit de la lui donner.

Second Cas.

58. Ce n'eft pas ftipuler pour un autre, mais pour moi , quoique je ftipule qu'on fera quelque choie pour un tiers , fi j'ai un intérêt perfonnel 6c appréciable à prix d'argent que cela fe fafTe ; put à , fi je fuis moi-même obligé envers ce tiers à le faire : par exemple , û m'étant obligé en- vers Jacques à lui reconstruire dans Tef- pace d'un certain temps fa maifon qui menace ruine , 6c ayant d'autres ouvra- ges à faire , je fais marché avec un Ma- çon , pour qu'il reconftruife dans ledit temps la maifon de Jacques , je fuis cenfé ftipuler plutôt pour moi que pour Jacques, 6c la convention eft valable ; car étant obligé envers Jacques à cette reconstruc- tion , 6c tenu de fes dommages 6c inté- rêts , fi elle ne fe fait pas dans le temps marqué , j'ai un \rai intérêt perfonnel qu'elle fe fafTe ; c'eft pourquoi en ftipu- iant qu'on reconftruife la maifon de Jac-

D iij

yS Tr. des Oblig. ques , ce n'eft que verbo tenus en ce cas que je ftipule pour Jacques , re ipfâ &C dans la vérité , je flipule pour moi & à mon profit ; fi fiipukr alu cùm mua inte~ rejfet... ait Marcellus , Jîipulationem valere. L. 38. §. 20. 21. 2.1. ff. de rerb. obligat.

59. Quand même avant le marché que j'ai fait avec le Maçon pour la reconf- truclion de la maifon de Jacques , je n'au- rois pas été obligé envers Jacques à lui reconftruire fa maifon , &c que je n'aurois eu par conféquent aucun intérêt perfon-* nel à cette reconstruction , néanmoins comme par ce marché que j'ai fait, je gère les affaires de Jacques , &c que je lui deviens en conféquence comptable de cette geflion ; dans le temps même de la convention , que j'ai avec le Maçon pour la conftru£tion de la maifon , je commence à avoir intérêt à cette reconf- tru&ion dont je fuis comptable envers Jacques; d'où il fuit que même en ce cas je fuis cenfé ïHpuler pour moi plu- tôt que pour Jacques , & que la conven- tion efl valable ; puifque j'ai un intérêt perfonnel , que le Maçon faffe bien ce que j'ai fripulé qu'il fît.

60. Mais li je ftipule en mon nom qu'on faffe quelque chofe pour un tiers , fans qu'avant le temps de la convention j'aye eu , ôc fans que j'aye encore au temps

Part. I. Chap. I. 79 de la convention aucun intérêt perfon- nel que cela le faffe ; c'eft en ce cas vrai- ment ftipuler pour un autre , &c une telle convention n'eft pas valable dans le for extérieur : par exemple , fi par un pur intérêt d'arfetlion pour Jacques , j'ai con- vention avec le propriétaire de la maifoti qui eft vis-à-vis les fenêtres de Jacques y qu'il fera blanchir le devant de fa maifon pour éclairer les chambres de Jacques , cette convention ne donnera aucun droit ni à Jacques qui n'y étoitpas partie, ni à moi qui n'ayant aucun intérêt perfonnel & appréciable à prix d'argent à l'exécution de cette convention , ne peux prétendre aucuns dommages &c intérêts réfultans de fon inexécution.

Troisième Cas.

61. C'efl ftipuler ou promettre pour nous-mêmes & non pour autrui, lorfque nous ftipulons ou promettons pour nos héritiers , puifqu'ils font en quelque fa- çon la continuation de nous mêmes : hères ptrfonam defuncli fujlinet ; c'eft pourquoi il n'eft pas douteux , que nous pouvons ftipuler pour nos héritiers , heredl caverc conceffum ejl , L. 10. ff. de pacl. dot, L. 3#. §. 14- ff. de verb. oblig.

62. Obfervez que nous ftipulons' vala- blement, lorfque nous ftipulons pour nos

D iv

s

8o Tr. des Oblig.

héritiers en tant que nos héritiers ; mais û nous fcip nions pour un tel , quand mê- me ce tel par la fuite devienclroit notre héritier , la ftipulation ne feroit pas pour cela valable , L. 17. §. 4. f. de p a cl.

Julien a porté la rigueur de ce prin- cipe , jufqu'à décider que lorfqu'un dé- biteur étoit convenu avec fon créancier , qu'il n'exigeroit pas la fomme qui lui étoit due , ni de lui , ni d'une telle fa fille , la flipulation n'étoitpas valable par rapport à fa fille , quoiqu'elle foit deve- nue héritière du débiteur. D. §. 4. Bru- nsman ad D. L. eu. d'avis avec raifon , que cette décifion trop littérale ne doit pas être fuivie ; car lorfque je flipule de mon créancier qu'il n'exigera ni de moi , ni de ma fille une telle , la fomme que je lui dois , il eft vifible que je ftipule cela pour ma fille , dans le cas auquel elle en feroit débitrice ; or , elle ne le devien- dra qu'en devenant mon héritière : je ili- pule donccela pour le cas auquel ma fille fera devenue mon héritière , &c par con- féquent je fuis cenfé ftipuler pour ma fille en fa future qualité de mon héritière, quoique cela ne foit pas exprimé.

On peut d'autant plus s'écarter de cette décifion de Julien , qu'il paroît que les Jurifcorifultes Romains n'ont pas été d'un fentiment unanime fur cette queftion;

Part. I. Chap. I. Si

Celfe paroît avoir pente différemment en la loi 33. (f. de pa'à.

63. Non-feulement nous pouvons va- lablement ïtipuler pour nos héritiers , mais nous ibmmes cenfés ordinairement l'avoir fait, quoique cela ne foit pas ex- primé : qui pacifeitur , fibi , herediquefuo pacifei intclligitur.

Cette règle fouffre exception. 1 °. Lors- que ce qui fait l'objet de la convention 9 eft un fait qui eu perfonnel à celui envers qui l'obligation eft contractée ; comme lorfqueje fais marché avec un barbier qu'il viendra me rafer deux fois la fémaine à ma campagne pendant la vacance. 20. Elle reçoit exception à l'égard de la claufe des contrats de mariage, par laquelle la fem- me ïtipule la reprife de fon apport , en cas de renonciation à la communauté. Nous avons traité amplement de cette claufe en notre introduction au titre de la Commu- nauté de la Coût. d'Orl. c. 2. a. 2. §. 5. 30. Enfin, lorfqu'on s'efl expliqué clai- rement par la convention , que celui qui s'obligeoit ne s'obligeoit qu'envers la per- fonne avec laquelle il contra&oit , &C non envers les héritiers; mais il faut que cela foit expliqué clairement dans la conven- tion : au refte de ce que la perfonne en- vers qui je contracte quelqu'engagement eft nommée par la convention , il ne s'en-

Dv

Si Tr. des Oblig. fuit pas que l'intention des parties ait été de reftreindre à fa perfonne le droit qui en réfulte ; on doit penfer au contraire qu'elle n'eït nommée que pour marquer avec qui la convention eSt faite \phrumqut perfona pacio inferitar , non ut perfonalc paclum fiât , fed ut demojijlretur cum quo paclum fiât. L. 7. §. 8. wijjembach ad tit, ff. de pacl. n°. 7.

64. Nous pouvons auSTi restreindre notre Stipulation à l'un d'entre nos hé- ritiers : non obftat uni tantîim ex heredibus provideri , fi hères faclus fit , cœteris autetn non confiai , L. 33. ff. de pacl. Par exem- ple , fi j'étois convenu avec mon créan- cier qu'il ne pourroit exiger fa dette ni <le moi ni de ma fille une telle , &z que je laiffaSTe pour héritiers cette fille & un fils , la convention n'auroit d'effet que par rapport à ma fille , comme y étant feule comprife , ck le créancier pourroit exiger fa dette de mon fils pour la part * pour laquelle il eSt mon héritier. D. £.

33-

Il ne faut pas néanmoins , de ce qu'une

perfonne a Stipulé nommément pour un tel fon héritier , en inférer toujours que l'intention des parties contractantes a été de restreindre la Stipulation à cette per-

* C'elt mal à propos que la Glofle dit que le créancier pourra lui demander le total] Cujas a relevé cette erreur.

Part. I. Chap.'I. 83

forme ; il y a bien lieu de l'inférer, ft lors de la convention , celui qui a flipulé de cette manière favoit devoir avoir d'au- tres héritiers ; car en ce cas il ne paroît pas d'autre raifon pour laquelle il auroit fli- puié nommément pour un tel , que celle de reilreindre la flipulation à ce tel. Au contraire , fi celui qui a flipulé pour un tel fon héritier , a voit, lors de la conven- tion , lieu de croire , que ce tel devoit être un jour fon héritier unique ; il y a en ce cas lieu de p enfer que ce.n'efl que par pure énonciation que ce tel a été nommé dans la convention , & non dans la vue de reftreindre à fa perfonne l'effet de la flipulation : c'efl ce que Papinien en- feigne dans l'efpece fuivante.

Ayant marié ma fille, à qui j'avoîs promis une dot dont je faifois rente ; dans la penfée j'étois que je n'aurois pas d'autres enfans que cette fille qui fe trou- voit pourvue , & dans le deffein j'é- tois d'inflituer un jour mon frère pour mon unique héritier , j'ai flipulé par la conflitution de dot, qu'au cas ma fille mourroit fans enfans pendant le mariage , ( auquel cas la dot , félon le droit du di- gefle , étoit acquife en entier au mari , ) mon frère mon héritier , pourroit rete- nir la dot pour moitié ; depuis m'étant furvenu d'autres enfans que j'ai laides

D vj

84 Tr. des Oblig.

pour mes héritiers, & le cas de la mort de ma fille fans enfans durant fon mariage étant arrivé , il y a eu queftion fi mes en- fans mes héritiers , pouvoient en vertu de la convention retenir la moitié de la dot. La raifon de douter fe tiroit de ce que la ftipulation étoit faite nommément pour mon frère , d'où il pouvoit paroître qu'elle étoit reflreinte à fa perfonne , & au cas il auroit été mon héritier; mais Papinién décide que mes enfans font fon- dés à retenir la moitié de la dot , en vertu de la convention ; parce qu'en ftipulant cette rétention au profit de mon frère mon héritier , j'étois cenfé par ce terme , mon héritier , l'avoir ftipulée au profit de mes héritiers quels qu'ils fuflent , &: n'a- voir nommé mon frère cfii'enunùativk , &Z pour marquer qu'il étoit celui que je croyois devoir être mon héritier. Ea con- yentio lïberis pojleàfzifceptis & hercdibus tef- tamento reliclis proderit , cîim inter contra- hentes id aclum fit , ut heredibus confulatur , & Mo tempore quo pater aliosfiUos non ha- buit , in fratrcm fuum judicinm fuprtmum contuiijje videatur , L. 40. §>fin.ff. de paci. C'eft pourquoi Cujas ad Papinian. fur cette loi , penfe que cette décifion auroit lieu, quels qu'euflfent été les héritiers que j'aurois laifles , quand môme ce n'euf- fent pas été mes enfans.

Part. I. C h a p. î. 85

Il refte à obierver qu'on peut bien , lorfque je ftipule de mon créancier qu'il n'exigera pas ce que je lui dois , reitrein- dre , la convention à l'un de mes héritiers, à l'effet qu'il n'y ait que lui qui foit dé- chargé de la dette pour la part dont il en avoit été tenu , comme nous l'avons vu fuprà ; mais lorfque je ftipule de quelqu'un qu'il me donnera une certaine fomme d'argent , ou quelqu'autre chofe divifible , je ne peux pas reftreindre la convention à l'un de mes héritiers , à l'effet de faire pavïer pour le total à lui feul la créance qui réfulte de la convention. Sciendum eji qubd dari (iipuhmur , non pojje per nos uni ex heredibus adquiri ^fed necejje eji omnibus adquiri , * L. 13J. §. fin. ff. de V. oblig.

6 5 . C'eft une conféquence de notre prin- cipe , que nous ne pouvons ftipuler vala- blement pour quelqu'un , qu'entant qu'il fera un jour notre héritier , & dans la qualité de notre héritier qu'il doit avoir un jour ; d'où il fuit qu'il ne peut nous fuccéder pour le total au droit qui réfulte

* Ce qui eft dit fed neceflle eji omnibus àefuiri , doit s'en- tendre du cas auquel la reftriétion à l'un des héritiers, n'a . éré faite que ('.ans la vue de faire paffer à cet héritier, à l'exclu fion des autres, le total de la créance, & non dans la v e de décharger le débiteur : mais je peux valablement convenir , que fi je n'ai pas exigé la dette de mon vivant, mon débiteur n'en fera tenu après ma mort que pour la part a laquelle fuccéd.-ra l'un de mes héritiers, cV qu'il en fera déeturgé pout les parts de mes autres héritiers.

86 Tr. des Oblig,

de cette convention ; mais pour la part feulement pour laquelle il fera notre hé- ritier.

Il en eft autrement à l'égard des con- ventions qui ont pour objet quelque chofe d'indivifible , telles que font la plu- part de celles qui font in facundo ; car comme dans ces conventions chacun des héritiers fuccede pour le total à la créance qui en réfulte, par la nature de cette créance qui n'eft pas fufceptible de par- ties ; je peux, en ftipulant nommément pour un tel , l'un de mes héritiers , le faire fuccéder feul pour le total à la créance qui en réfulte ; at cum quid ficri jlipula- mur , unius perfonam recle comprehendi , D, L. 737. §. 8. Par exemple, fi dans la vente d'un héritage que j'ai faite à un peintre , il y avoit une claufe portant que par forme de pot de vin , il s'obligeoit envers moi & envers un tel , l'un de mes enfans & héritiers futurs , de nous faire un tableau de la circoncifion de N. S. d'une telle hauteur, & que je ftnTe mort avant qu'il fe fût acquitté envers moi de cette obligation^ celui de mes enfans , qui eft nommé dans la convention , fuccéderoit feul pour le total à cette créance contre le peintre ; fauf néanmoins que dans nos coutumes , qui ne permettent pas à un père d'avantager l'un de fes enfans , ve-

P A R T. I. C H A P. î. 87

nant à la fucceiîion plus que les autres , il feroit obligé d'en récompenser tes co- héritiers pour leurs parts.

66. De même que nous fommes cen- (és ilipuler pour nos héritiers tout ce que nous ltipulons ; de même nous fommes cenfés promettre pour nos héritiers , &C les engager à tout ce que nous promet- tons ; à moins que ce qui fait l'objet de notre obligation , ne foit un fait qui nous foit perfonnei , ou qu'il y ait une claufe à ce contraire.

Pareillement dans les obligations divi- fibles , de même que nous ne pouvons fti- puler pour quelqu'un qu'autant & pour la part qu'il fera notre héritier ; de même nous ne pouvons obliger quelqu'un de nos héritiers que pour la part pour la- quelle il fera notre héritier : c'eft pour- quoi inutilement un débiteur compren- droit-il nommément dans la convention un tel qui doit être l'un de fes héritiers; car il ne fera tenu de la dette que comme les autres héritiers qui: n'y ont pas été compris. Te & Titïiun heredem tuum decem daturum [pondes ? Titii perfonà fupervacuh comprehenfa ejl ; Jive enimjo lus hères exti- uru y infolidum tenebitur : Jive pro parte , todem modo quo cœteri coheredes ejus , i6. §. /. fi de Verb.obl.

88 T r. des Oblig. Quatrième Cas.

67. Ce que nous ftipulons par rapport à une chofe qui nous appartient, nous le pouvons valablement ftipuler , non-feule- ment pour nous &C nos héritiers , mais pour tous nos fuccefTeurs à titre fingulier à cette chofe ; lefquels font compris fous le terme d'ayant-caufe, ufité dans les con- trats ; ce n'eft point en ce cas ftipuler pour un autre. . . Par exemple , je peux valable- ment convenir , que vous ne ferez jamais valoir contre moi, ni contre mes héritiers ou ayant-caufc , les droits de Ja fubftitu- tion qui pourroit être un jour ouverte à votre profit , par rapport à un tel héritage ; & cette convention a effet , même par rapport à ceux qui acquerroient parla fuite de moi cet héritage à titre fingulier.

Cela efl indubitable à l'égard de ceux qui 1 acquerroient a titre onéreux ; car étant tenu envers eux à la garantie , j'ai intérêt que vous ne leur apportiez aucun trouble dans cet héritage, ce qui fuffit pour que ce que je ftipule pour eux, je fois cenfé le ftipuler pour moi ,fuprà n°. 58, Mais la décifion a lieu aufîi à l'égard de ceux qui acquerroient de moi par la fuite à titre de donation, L. /7-§. S.ff.ck paci, quoique je ne fois pas tenu envers eux de

P ART. I. CHAP, I. 89

la garantie ; car l'intérêt que j'ai de con- ter la libre difpolition de ma chofe , eft liirKfant, pour que je puiffe valable- ment convenir avec vous que vous ne ferez aucun trouble à ceux envers qui je jugerai à propos d'en difpofer , à quelque titre que ce foit.

68. Dans cette convention Se les au- tres fembîables , que nous faifons par rap- port aux choies qui nous appartiennent 9 non-feulement nous pouvons ftipuler va- lablement pour nos ayant-caufe : mais lis fommes cenies l'avoir fait, quoique cela ne foit point exprimé , foit que la convention foit conçue in rem, comme lorfqu'il eft dit par une tranfaclion parlée entre nous , que vous vous engagez à ne jamais faire valoir les prétentions que vous pourrie^ avoir par rapport à un tel héritage 9 fans dire contre qui ; foit que la conven- tion foit conçue in perfonam , comme lorfqu'il eft dit que vous vous engagez à m jamais faire valoir contre M OI vos pré- tentions , par rapport à un tel héritage : en l'un & l'autre cas, je fuis cenfé avoir fti- pulé pour tous mes fuccefleurs même à titre fingulier , même à titre de donation. Paclum conventum cumvenditore , in rem conflituatur , fecundUm Proculi fententiam , & emptori prodejl. . . . Seenndùm autem Sa- bini fententiam 9 etiamji in perfonam con-

90 Tp. des Oblig, ctptum efi 9 & in tmptorem , qui hoc

ejje exijiimjt , \ :: ncm ju..

ftiïU .::, L. /-. §. 5. ffl de paB. La raifon eit qu'en : ?our moi , je fuis cenie

ftipuler pour tous ceux qui me repreien- tent ; or non-feulement mes héritiers , mais tous ceux oui me fuccederont mc- diatement , ou immédiatement , & à quel- qu ? titre que ce foit , à l'héritage qui a fait L'objet de fa convention , me représentent par rapport à cet héritage.

. Que fi j\ lié nommément

pou .... crois pas cenfé

avoir étendu ma inpulation à mes avant- cauiè, c'elt-à-dire à ceux : [ui me iuccé- deroient à t:: re fing . lier : en ce cas , ûp- clujîo unius , fit exclufio alterius ; Fexpr::- fion de mes hênù : Lut les aurres litc-

cefleurs : Par exemple , fi par une tra:> facfion avec le v . .ir de qui mon hé- ritage relevé en heî , ^e fins convenu avec

te toutes les ::is que mon fief tom- heroît en rachat, il ne pourroit exi:

n . plus d'une piftole pour ion jit de rachat ; cette conventionné pro- filera pas à des tiers , qui auroient acquis de moi, ou de mes héritiers . .. titre : gulier : il en feroit autrement fi dans la claufe il n'etoit pas parle d'héritiers, & qu'il fin dil uidéfinimc ne toutes les

fois que le fief tomberoit en rachat, le

Part. I. Chap. I. 91

Seigneur ne pourroit exiger plus d'une piilole ; ou qu'après le terme d' héritiers 9 on eut ajouté un &c. En l'un &L l'autre cas , la claufe ^'étendroit à tous les ayant-caufe.

§. m.

Que ce qui concerne une autre perfon ne , qut Les parties contractantes peut être le mode, ou la condition d'une convention y quoi- qu'il ne puijfe pas en être P objet,

70. Donner à un tiers , faire quelque chofe pour un tiers , & généralement tout ce qui ne concerne point l'intérêt per- fonnel de la partie qui le ffipule , ne peut à la vérité être l'objet du contrat , mais cela peut être in conditione aut in modo,

Ainii je ne peux pas à la vérité ftipuler utilement en mon nom, que vous ferez préfent à Jacques du Thefaurus de Meer- man ; parce que c'eftftipuler pour autrui; c'eft fripuler une chofe à laquelle je n'ai aucun intérêt ; mais je peux utilement fti- puler, quefi dans un tel temps vous ne faites pas préfent à Jacques du Thefaurus de Meerman , vous me payerez vingt pif- toles pour le pot de vin d'un marché que nous faifons enfemble ; car en ce cas , le préfent que vous devez faire à Jacques , n'eft qu'une condition ; l'objet de la fti-

91 Tr. des Oblig. pulation eït que vous me donnerez la fom- me de vingt piïïoles ; & cette fomme que je ftipule , efr une chofe que je flipule pouf moi & que j'ai intérêt d'avoir. Cela efl conforme à ce qu'enfeigne Juitinien , Tit. de inut.Jiipul. §. 20. Alteri Jlipuuiri nemo poteji. . . plané Ji quis veiit hoc faare , pœ- nam fiipulari conveniet , ut niji ita factum fit ut cjl comprchenfum , committatur pœnce Jlipulatio etiam ci cujus nihil interejl.

7 1 . Ce qui concerne l'intérêt d'un tiers peut aurli être in modo, c'eft-à-dire que quoique je ne puhTe pas directement iti- puler ce qui concerne l'intérêt d'un tiers, néanmoins je peux aliéner ma chofe , à la charge que celui à qui je la donne fera quelque chofe qui concerne l'intérêt d'un tiers. Par exemple , quoique je ne puiffe pas fHpuler en mon nom directement , que vous ferez préfent du Thefaurus de Meerman à Jacques , je peux vous don- ner utilement une fomme ou tout autre chofe , à la charge que vous ferez à Jac- ques ce préfent.

Suivant les principes de l'ancien Droit Romain , l'effet de cette condition fe bor- noit à ce que faute par vous d'accomplir la charge 5 fous laquelle vous avez reçu de moi une fomme ou autre chofe , j'é- tois en droit de répéter de vous ce que je vous avois donné ; car ne vous l'ayant

Par t. I. C h a p. I. 95

donne , &c vous ne l'ayant reçu qu'à cette charge , il s'eft formé entre nous une con- vention implicite , que vous me reftitue- riez la choie, ii vous n'accompliriez pas la charge fous laquelle je vous l'ai don- née ; d'où n'ait le droit de répéter la cho- fe , par une action que les loix appellent condicïio , ( feu repetitio ) ob caufam dati f causa non feeutd.

Au refte luivant les principes de cet ancien Droit, le tiers qui n'avoit pas été partie au contrat de donation , par lequel je vous donnois quelque chofe , à la char- ge que vous feriez quelque chofe qui l'intéreflbit, ou à la charge que vous lui donneriez quelque chofe , n'avoit aucune action contre vous pour le demander; Se cela étoit fondé fur ce principe , que les contrats n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; d'oii il fuit qu'il ne peut naître d'un contrat aucun droit à un tiers qui n'y a pas été partie : mais fuivant les conftitutions des Empereurs, les tiers en faveur defquels le donateur appofe une charge à fa donation , ont une action con- tre le donataire pour le contraindre à cuter; c'eff. ce que nous apprenons de la loi 3 . Ccd. de d-mat; quxfub. mod.

72. Cet engagement que contracte le donataire envers ce tiers , d'accomplir la charge fous laquelle la donation a été fai-

94 Tr. des Oblig,' te , & d'où naît cette a&ion , eft un enga- gement qui n'eft pas à la vérité propre- ment formé par le contrat de donation ; ce contrat ne pouvant pas par lui-même , &C proprid vu tut e , produire un engage- ment envers un tiers , & donner un droit à un tiers qui n'y étoit pas partie ; c'cft l'équité naturelle qui forme cet engage- ment ; parce que le donataire ne peut fans blefler l'équité, & fans fe rendre coupa- ble de perfidie , retenir la chofe qui lui a été donnée , s'il n'accomplit pas la char- ge fous laquelle la donation lui a été faite, &: à laquelle il s'eft fournis en acceptant la donation. C'eft pourquoi l'action qui eft accordée à ce tiers , eft appellée en la loi 3. ci-defius citée , aciio utilis , qui eft re nom que les Jurifconfultes Romains don- noient aux actions qui n'avoient pour fondement que l'équité ; qtiœ contra fub- tilitatcm juris , ut'ditate. ita exigente , ex fold œquitate concedebaniur.

73. De-là naît une autre queftion, qui eft de fçavoir , fi vous ayant donné une chofe à la charge de la reftltuer à un tiers dans un certain tems , ou de lui donner quel qu'autre chofe , je peux vous remet- tre cette charge , fans l'intervention de ce tiers qui n'étoit pas partie à l'aele , & qui n'a pas accepté la libéralité que j'exer- çois envers Ini , en vous impofant cette

Part. I. Chap. I. 95

charge : les Auteurs ont été partagés fur cetie queilion. Grotius de jure belli & pa- cis ti. ix. 19. décide pour l'affirmative : cYit. auiîi l'avis de Bartole , de Duaren Se de pluiieurs autres Docleurs , & en par- ticulier celui de Ricard, trait, des fubjlit. p. i.ch. 4. La raifon fur laquelle ils fe fondent , eft que le tiers n'étant pas in- tervenu dans la donation , l'engagement que le donataire contracte de donner à ce tiers , en acceptant la donation fous cette charge , efl contracté par le con-, cours des volontés du donateur & du do- nataire feulement ; 6c par conséquent peut fe réfoudre par un confentement contraire des mêmes parties , fuivant ce principe de droit , nïhiltam naturale ejl , quœque eodem modo difjolvi quo colligata funt ; le droit qui eft acquis à ces tiers, efl donc , fé- lon ces auteurs , un droit qui n'efl pas ir- révocable ; parce qu'étant formé par le feul confentement du donateur & du do- nataire , fans l'intervention du tiers , ce droit eftfujet à être détruit par la deflruc- tion de ce confentement, qu'opérera un confentement contraire des mêmes par- ties ; ce droit ne devient irrévocable , que lorfque la mort du donateur empêchant qu'il ne puiffe déformais intervenir un confentement contraire , le confentement qui a formé ce droit ceffe de pouvoir être détruit

96 T R. DES ObLIG.

L'opinion contraire a aufîi (es défen- feurs ; c'en1 celle de Fachinœus , Controv. Vlii. 89. &. des Docteurs par lui cités. Les raifons fur lesquelles ces Auteurs fe fondent font , que la clauie de l'acte de donation qui contient la charge impofée au donataire , de donner quelque chofe à un tiers , renferme une féconde dona- tion , ou une donation fîdéiconimifTaire , que le donateur fait à ce tiers. Cette fé- conde donation, ians l'intervention de ce tiers à qui elle eft faite , reçoit fon en- tière perfection par l'acceptation que le premier donataire fait de la donation fous cette charge ; puifque par cette accepta- tion , il contracte envers ce tiers , fans qu'il intervienne à l'acte , un engagement d'accomplir cette charge dans fon temps : de cet engagement naît un droit qu'ac- quiert ce tiers , d'exiger en fon temps l'accbmplifTement de cette charge : ce droit eft un droit irrévocable , & il ne doit pas être au pouvoir du donateur d'en décharger le premier donataire au préju- dice du droit acquis à ce tiers; car la claufe qui renferme cette féconde donation , ou donation fidéicommiftaire , faite à ce tien par le donateur , étant une claufe qui fait partie d'un acte de donation entre- vifs , la donation fidéicoaimifTaire renfermée dans cette claufe , eft de même nature ,

&

Par t. I. Chap, I. 97

&: eft par conféquent une donation entre- vifs &: par conféquent irrévocable ; il ne doit donc plus être au pouvoir du dona- teur de la révoquer , en déchargeant le premier donataire de la charge qu'il lui a impofée , & de rengagement qu'il a contracté envers ce fécond donataire, A l'égard des règles de droit qu'on oppofe , eu z que eodern modo dijjolvuntur quo colli- gata funt : qu<z confenfu contrahuntur con- fenfu diffolvuntur : ces règles ont lieu en- tre les parties contractantes feulement, ck non au préjudice d'un droit qui auroit été acquis à un tiers ; c'eft. ce qui re- faite de la loi dernière , ff. de paci. qui décide que la caution qui a acquis un droit de fin de non-recevoir, par le pael intervenu entre le créancier & le débi- teur principal , ne peut être malgré elle dépouillée de ce droit, par un pact. con« traire des mêmes parties.

Ce dernier fentiment a été confirmé par la nouvelle Ordonnance des fubftitu- tions , part. 1. art. 11. & 12. Mais les queflions décidées par cette Ordonnance n'étant que pour l'avenir , la queftion de- meure entière pour ce qui fe feroit paiTé avant l'Ordonnance.

Nous traiterons plus amplement des donations fidéicommiflaires que ces clau- fes renferment , dans un Traité particu- Tom. I, E

98 Tr. des Oblig; ter des donations que nous devons don- ner.

§. v.

Qu'on peut Jilpuler , & promettre par U minijiere d'un tiers , & que ce 7iefi pas Jlipuler ni promettre pour un autre.

74. Ce que nous avons dit jufqu'à pré- fent , que nous ne pouvions rien flipuler ni promettre , que pour nous-mêmes , Se non pour un autre , s'entend en ce fens que nous ne le pouvons , lorfque nous contractons en notre nom ; mais nous pou- vons prêter notre miniriere à une autre personne , pour contracter pour elle , fti- puier & promettre pour elle ; & en ce cas ce n'eft pas proprement nous qui con- tractons ; mais c'eiï cette perfonne qui contra cle par notre miniftere.

Ainfi un tuteur , lorf qu'il contracte en cette qualité , peut ftipuler & promettre pour fon mineur ; car c'eft le mineur qui eft cenfé contra cler , ftipuler & promettre lui-même par le miniftere de fon tuteur; la loi donnant un caraclere au tuteur qui fait réputer le fait du tuteur , pour le fait du mineur dans tous les contrats qui con- cernent Fadminiftration de la tutelle.

Ii en eft de même d'un curateur ôc de tout autre adminiftrateur légitime ; il en

Part. I. Chap. L 99»

eft de interne d'un Procureur ; car la pro- curation que lui a donnée celui au nom duquel il contracte , fait regarder celui qui a donné la procuration comme con- tractant lui-même par le miniftere de ce procureur.

75. Si je contracte au nom d'une per* fonne qui ne m'avoit point donné de pro- curation , fa ratification la fera pareille- ment réputer comme ayant contracté elle-

Bme par mon miniftere ; car la ratifica- tion équipolle à procuration , ratihabido mandato comparatur.

Si elle ne ratifie pas , la convention' eft nulle à fon égard ; mais fi je me fuis fait fort d'elle ;• fi j'ai promis de la faire ratifier; cette promerfe la faire rati- fier eft une convention que j'ai eue en mon nom avec la perfonne avec qui j'ai contracté, par laquelle "je ' me fuis en mon nom obligé envers elle , au rapport de cette ratification ; faute par moi de la rapporter, en fes dommages & inté- rêts , c'eft- à-dire , entoutce^ru'eile fouf- fre ou manque de gagner , par le défaut de ratification.

76. Pour que quelqu'un foit cenfé avoir contracté par le miniftere de fon tuteur, curateur , adminiftrateur , &c. il faut que le contrat n'excède pas le pouvoir de ces perfonnes. Par exemple, fi un tuteur en ^A E ij

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ïoo Tr, des Oblig/ fa qualité de tuteur avoit fans le décret du Juge , vendu quelque bien immeuble de fon mineur , le mineur ne feroit pas cenfé avoir fait ce contrat par fon miniftere ; & il n'en téfulteroit aucune obligation contre lui , la vente des immeubles étant une chofe qui excède le pouvoir des tu- teurs.

Pareillement , pour que quelqu'un foit cenfé avoir contracté par le miniftere de fon procureur , il faut que le procureur fe foit renfermé dans les bornes de fa procu- ration ; s'il les a excédées , celui au nom duquel il a contracté , n'eft pas cenfé avoir .contracté par fon miniftere , à moins qu'il n'ait ratifié.

77. Il n'eft pas douteux qu'un procu- reur excède les bornes de fa procuration , lorfqu'il fait autre chofe que ce qui y eft contenu, quand même cela feroit plus avantageux. Par exemple , fi j'ai donné procuration à quelqu'un pour m'acheter une certaine terre pour un certain prix, 6c qu'il en acheté une autre en mon nom, êc comme fe difant avoir procuration de moi ; quoique ce marché foit plus avan- tageux , il ne m'obligera point , & je ne ferai point cenfé avoir fait ce marché par fon miniftere , à moins que je ne veuille bien le ratifier; I. 5. §. z.ff. mandat.

78. Un procureur a excédé aufli les

Part. I. Chap. I, 101 bornes de l'a procuration , lorfqu'il a fait en mon nom le contrat que je lui avois donné pouvoir de faire , mais à des con- ditions plus défavantageufes que celles que je lui avois prefcrites par ma pro- curation. Par exemple , fi je lui avois donné procuration pour acheter une cer- taine terre pour le prix de 28000 liv. 6c qu'il Tait achetée en mon nom pour 28200 liv. je ne ferai point cenfé avoir contracté par fon miniftere , & je ne ferai point obligé par le contrat ; parce qu'il a excédé les bornes de fon pouvoir en achetant à un prix plus cker que celui que j'avois prefcrit.

Néanmoins s'il ofFroit de me mettre au même état auquel je ferois , s'il s'étoit renfermé dans les bornes de la procura- tion; par exemple , fi dans l'efpece ci- deffus , il ofFroit de m'indemnifer de loo liv. je ferois obligé de ratifier. L. 3.§. 2. & L. 4. ff. mand.

Il eft évident qu'un procureur ne peut être cenfé avoir excédé les bornes de la procuration, lorfqu'il a contracté à des conditions plus avantageufes que celles qui lui étoient prefcrites. 1. 5. §. 5. J^T dici» tit,

79. Pour que je fois cenfé avoir con- tracté par le miniftere de mon procureur , & que le contrat qu'il a fait en mon nom

E iij

$02 TR. t)ES ÔbLIG.

m'oblige , il fufKt que le contrat n'excède pas ce qui eft contenu dans le pouvoir qu'il a fait apparoir à celui avec lequel il a contracté ; & il ne ferviroit de rien de rapporter un autre pouvoir contenant des inftructions fecretes qu'il n'auroit pas fuivies : ce pouvoir fecret me donne bien une action en dommages & intérêts con- tre mon procureur , pour n'avoir pas fui- vi les inftructions fecretes que je lui avois données ; mais il ne peut me dégager en- vers celui avec qui il a contracte entmon nom , conformément au pouvoir appa- rent qu'il lui a repréfenté ; autrement il n'y auroit aucune sûreté^ contracter avec des abfens.

80. Par la même raifon, quoique la procuration finirTe par la révocation -9 néanmoins fi mon procureur contracte en mon nom avec quelqu'un depuis la révo- cation , mais avant qu'elle ait été connue à celui avec qui il contracte , je ferai cenfé a\ oir contracté par fon minute re , ôc ce contrat m'obligera.

81. Pareillement, quoique le mandat finifle par la mort de celui qui le donne , ÔZ qu'il paroifte répugner que je puiffe être cenfé avoir contracté par le miniftere de celui qui depuis ma mort a contracté en mon nom ; néanmoins s'il a contracté en mon nom depuis ma mort , mais avant

PartI. Chap.L 103 qu'elle pût être connue dans le lieu . le contrat s'eil: fait , ce contrat obligera ma fucceiiion , comme fi j'avois effecti- vement contracté par le miniftere de ce procu eur.

On peut pour cette déciiion &C pour la précédente , tirer argument de ce qui efl décidé en Droit , que le paiement fait à un procureur eiï valable , quoique depuis la mort du mandant , ou depuis la révo- cation du mandat ; fi la mort &: la révo- cation n'étoient pas connues , L. 12. §. 2, & L. 3 2..jfT de folut.

82. Nous contractons par le miniflere d'un autre , non- feulement lorfque quel- qu'un nous prête purement fon miniftere, en contractant en notre nom , & non au fien ; comme lorfque nous contractons par le minifïere de nos tuteurs , curateurs, procureurs , &c. qui contractent en leur qualité de tuteur , curateur , procureur , ôcc. & non en leur propre nom. Nous fommes aufTi cenfés contracter par le mi- niftere d'un autre , quoiqu'il contracte lui-même en fon nom , lorfqu'il contracte pour des affaires auxquelles nous l'avons prépofé ; car en le prépofant à ces affai- res , nous fommes cenfés avoir adopté & approuvé d'avance tous les contrats qu'il feroit pour les affaires auxquelles nous l'avons prépofé , comme fi nous

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m'oblige , il fuffit que le contrat n'excède pas ce qui eu. contenu dans le pouvoir qu'il a fait apparoir à celui avec lequel il a contracté ; & il ne ferviroit de rien de rapporter un autre pouvoir contenant des inuruclions fecretes qu'il n'auroit pas fuivies : ce pouvoir fecret me donne bien une a£tion en dommages &c intérêts con- tre mon procureur , pour n'avoir pas fui- vi les inôruclions fecretes que je lui avois -données ; mais il ne peut me dégager en- vers celui avec qui il a contracte en,mon nom , conformément au pouvoir appa- rent qu'il lui a repréfenté ; autrement il n'y auroit aucune sûreté^ contracter avec des abfens.

8o. Par la même raifon, quoique la procuration finirTe par la révocation -9 néanmoins û mon procureur contracte en mon nom avec quelqu'un depuis la révo- cation , mais avant qu'elle ait été connue à celui avec qui il contracte , je ferai cenfé a\ oir contracté par fon miniftere , & ce contrat m'obligera.

8i. Pareillement, quoique le mandat finirTe par la mort de celui qui le donne , qu'il paroifTe répugner que je puifTe être cenfé avoir contracté par le miniflere de celui qui depuis ma mort a contracté en mon nom ; néanmoins s'il a contracté •en mon nom depuis ma mort , mais avant

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P AR T I. C H A P. I. 103

qu'elle pût être connue dans le lieu le contrat s'eft fait , ce contrat obligera ma llicceiiion , comme fi j'avois effecti- vement contracté par le miniftere de ce procureuf.

On peut pour cette décifion &: pour la précédente , tirer argument de ce qui eft décidé en Droit , que le paiement fait à un procureur eft valable , quoique depuis la mort du mandant , ou depuis la révo- cation du mandat ; fi la mort & la révo- cation n'étoient pas connues , L. 12. §. 2. & L. 3 2,.jfT de folut.

82. Nous contractons par le miniftere d'un autre , non« feulement lorfque quel- qu'un nous prête purement fon miniftere, en contractant en notre nom , & non au ften ; comme lorfque nous contractons par le miniftere de nos tuteurs , curateurs, procureurs , &c. qui contractent en leur qualité de tuteur , curateur , procureur , &c. & non en leur propre nom. Nous fommes aufTi cenfés contracter par le mi- niftere d'un autre , quoiqu'il contracte lui-même en fon nom , lorfqu'il contracte pour des affaires auxquelles nous l'avons prépofé ; car en le prépofant à ces affai- res , nous fommes cenfés avoir adopté & approuvé d'avance tous les contrats qu'il feroit pour les affaires auxquelles nous l'avons prépofé , comme fi nous

E iv

104 T D E s ÛBLIG.

avions contracté nous-mêmes ; &: nous fommes cenfés avoir accédé à toutes les obligations qui en réfultent.

C'eft fur ce principe qu'eft fondée l'ac- tion exercitoria , que ceux qui ont contrac- té avec le Capitaine d'un navire , pour des affaires relatives à la conduite de ce navire , ont contre l'Armateur proprié- taire du navire 3 qui a prépofé ce Capi- taine.

C'en1 fur le même principe que font fondées , l'action injîitoria , que ceux qui ont contracté avec le prépofè à un com- merce ou à une manufacture , pour des affaires relatives à ce commerce, ont con- tre le commettant -9 & Faction utilis inf- titoria , qui a lieu pour les contrats faits avec un prépofé à quelqu'autre efpece d'affaires que ce foh%

Nous traiterons de c e actions , infrà y part. z. ckap. GifeSL 8.

Obfervez une différence entre tous ces prépofés , & les tuteurs , curateurs , pro- cureurs , fyndics , administrateurs , fabri- ciers , &:c. lorfque ces prépofés contrac- tent , ce font eux-mêmes qui contractent & qui s'obligent ; leurs comme ttans font feulement cenfés accéder à leurs con- trats , & aux obligations qui en réfultent ; au lieu que les autres ne font pas cenfés contracter eux-mêmes , mais feulement

Part. I. Chap. I. io? prêter leur miniftere pour contrarier , à ceux qui font fous leur tutele ou cura- tele , ou dont ils ont la procuration , ou aux corps dont ils font les fyndics , ou aux hôpitaux & fabriques , dont ils ont l'adminiftration ; c'cft pourquoi ce ne font pas eux qui s'obligent , mais ceux qui contractent par leur miniftere.

83. Nous fommes aufti cenfés contrac- ter par le miniftere de nos aflbciés , lors- qu'ils contractent , ou font cenfés con- tracter pour les affaires de la fociété ; car en contractant fociété avec eux , & leur permettant la geftion des affaires de la fociété ; nous fommes cenfés avoir adop- té & approuvé d'avance tous les contrats qu'ils feroient pour les affaires de la fo- ciété , comme û nous euftbns contracté nous-mêmes conjointement avec eux ; &C nous avons accédé d'avance à toutes les obligations qui en réfuhent.

Obfervez qu'un aftbcié eft cenfé con- tracter pour les affaires de la fociété, toutes les fois qu'il ajoute à fa fignature ces mots & Compagnie , quoique par la fuite , le contrat n'ait pas tourné au pro- fit de la fociété. Par exemple , s'il a em- prunté une fomme d'argent de quelqu'un, à qui il en a donné un billet , avec ces mots & Compagnie à la fin de fa fignature ; quoiqu'il ait employé cet argent à fes

E v

106 Tr. des Oblig. affaires particulières , ou qu'il l'ait perdu au jeu; il ne laiffe pas d'être cenfé avoir contracté pour les affaires de la fociété , & d'obliger en conféquence (es affociés , comme étant cenfés avoir fait l'emprunt conjointement avec lui , &: contracté par fon miniftere : car fes affociés doivent s'imputer d'avoir contracté une fociété avec un affocié infidèle ; mais ceux qui contractent avec lui ne doivent pas être trompés , & fouffrir de fon infidélité.

La fignature & Compagnie n'obligeroit pas néanmoins mes affociés, s'il paroiffoit par la nature même du contrat , qu'il ne concerne pas les affaires de la fociété ; comme fi j'avois mis cette fignâture à la fin d'un bail , d'un héritage qui m'appar- tient , & que je n'ai pas mis en fociété.

Lorfque l'afîbcié n'a pas figné & Corn-* pagnie , il eft cenfé avoir contracté pour fes affaires particulières , & il n'oblige pas fes affociés , à moins que le créan- cier ne juftifie d'ailleurs quil a contracté au nom de la fociété , & que le contrat concernoit effectivement les affaires de la fociété.

84. Une femme commune en biens avec fon mari , eft auffi cenfée contracler avec lui & par fon miniftere dans tous les con- trats que fon mari fait durant la commu- nauté , & accéder à toutes les obligations

Par t. I. C h a p. I. 107

qui en réfultent , pout la part qu'elle a dans la communauté , à cette condition néanmoins , qu'elle ne fera tenue que jufqu'à concurrence de ce qu'elle aman- de ra de ladite communauté.

Article VI.

De F effet des Contrats.

85. Les contrats produifent des obli- gations ; nous renvoyons fur ce qui con- cerne l'effet de ces obligations, à ce que nous en dirons infrà chap. 2. en traitant en général de l'effet des obligations; nous obferverons feulement un principe qui eft particulier à l'effet des contrats & de toutes les conventions.

Ce principe eft qu'une convention n'a d'effet qu'à l'égard des chofes qui ont fait l'objet de la convention , & feulement entre les parties contractantes. Animad- venendum eji ne conventio in alla re facla. aut cum alla pafond , in aliâ re 9 aliâve petfond noceat. L. ij. §, 4. ff. de paciis.

86. La raifon de la première partie de ce principe eft évidente. La convention étant formée par la volonté des parties contractantes , elle ne peut avoir d'effet que fur ce que les parties contractantes ont voulu 3 & ont eu en vue.

E vj

io8 Tr. des Oblig.

On peut apporter pour exemple de cet- te première partie de ce principe , les fti- pulations de propres. Lorf qu'en apportant par mon contrat de mariage une certaine Jomme à la communauté, j'ai ftipulé que le furplus de mes biens me demeureroit propre ; cette convention n'aura pas l'ef- fet d'exclure de la communauté , le mo- bilier des fuccefÏÏons qui m'écherront pendant le mariage ; parce qu'elle n'a eu pour objet que d'exclure de la commu- nauté le furplus des biens que j'avois lors démon mariage. Voye^ d'autres exemples , in l. 27. §. 7. /. 47. §. .1. /. 56, if. depac- tis & pajjîm.

87- La raifon de la deuxième partie du principe n'eft pas moins évidente ; l'obli- gation qui naît des conventions, & le droit qui en réfulte étant formés par le eonfentement & le concours des volon- tés des parties , elle ne peut obliger un tiers , ni donner de droit à un tiers, dont la volonté n'a pas concouru à former la convention.

La loi 2 J. cod. de paciis , nous fournit un exemple de cette féconde partie de notre principe. Je fuis convenu avec mon cohéritier qu'il fe chargeroit feul d'une certaine dette de la fucceffion ; cette con- vention n'empêchera pas le créancier de cette dette de l'exiger de moi, à raifort

P A R T. I. CHAP. î. 109

de la part pour laquelle je fuis héritier ; car cette convention ne peut avoir aucun erFet vis-à-vis de ce créancier qui n'y étoit pas partie. Dzbitorum paclionibus , credi- torum paitio nec tolli > nec minui potefî. D, I. On peut apporter une infinité d'autres exemples : ce n'eft pas une chofe con- traire à ce principe , qu'un afîbcié en con- tractant, oblige fes afîbciés, un prépofé ion commettant , un mari fa femme ; car comme nous l'avons vu à l'article précé- dent , ces perfonnes font cenfées avoir été elles-mêmes parties contractantes par le miniftere de leur afîbcié, de leur pré- pofé , de leur mari.

88. 11 fembleroit qu'on pourroit oppo- fer avec plus de fondement contre notre principe , ce qui s'obferve à l'égard des contrats d'attermoyement, lorfqu'un dé- biteur qui fe dit hors d'état de faire hon- neur à (es dettes , a fait une convention avec les trois quarts de fes créanciers ( ce qui s'eftime non pro numéro perfonarum , fed pro cumulo debiti ). Cette convention qui contient des termes &c des remifes accordés au débiteur , peut être oppofée -aux autres créanciers , quoiqu'ils n'ayent pas été parties au contrat , & le débiteur peut , en les aflîgnant , faire déclarer com- mune avec eux la convention , fauf qu'elle ne pourra préjudicier à leurs hypothe-

ïio Tr. des Oblig,

ques & privilèges , s'ils en ont. Voye^

l'Ordonnance de 1673. tltt ^CI* artt ^' ^' 7. 8. & L. 7. §. /£. L. 8.L. g.L. 10.ff.de pacl. ^

Ceci n'eft pourtant pas proprement une exception à notre principe ; car ce n'eft pas la convention faite avec les trois quarts des créanciers , qui oblige per fe y par rçlle-même & par fa propre vertu , les autres créanciers , qui n'ont point été par- ties , à faire les remifes qui y font por- tées ; cette convention ne fert qu'à faire connoïtre au juge, que c'eft l'intérêt com- mun dés créanciers que cette convention foit exécutée par tous les créanciers ; la préfomption étant que ce grand nombre de créanciers ne s'eft réuni à accorder ces remifes , que parce qu'il étoitdel'in- térêt^ommun des créanciers de les accor- der , pour avoir le paiement du reriant ; & comme il n'eft pas jufte que la rigueur de quelques créanciers nuife à l'intérêt commun des créanciers , le Juge les con- damne à accéder à la convention , &c à accorder au débiteur les remifes &tes ter- mes qui y font portés : m^is ce n'eft pas la convention à laquelle ils n'ont pas été parties , qui les oblige à accorder ces re- mifes & ces termes ; c'eft l'équité feule qui forme en eux cette obligation , & qui les oblige à accéder à cette convention y

Par t. I. C h a p. I. nr

étant contre l'équité, que par une rigueur contraire à leurs propres intérêts , ils em- pêchent l'avantage commun des créan- ciers.

89. Notre principe , que les conven- tions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes , lbuffre une efpece d'excep- tion à l'égard des cautions ; car les con- ventions qui interviennent entre les créan- ciers Se le débiteur principal , profitent aux cautions , quoiqu'elles n'y ayent pas été parties ; &c elles leur font acquérir contre le créancier, les mêmes droits-, qu'elles font acquérir au débiteur princi- pal. Nous en verrons laraifon infrap. 2. ch. G.

90. Notre principe fouffre encore une autre efpece d'exception , à l'égard des fubiiitutions portées par un acte de do* nation entre-vifs : car lors de l'événement qui y donne ouverture , les peribnnes ap- pellées à ces fubftitutions , quoiqu'elles n'ayent pas été parties dans Facle qui les renferme , acquièrent le droit de deman- der au donataire qui en eft grevé , ou à fa fuccefîion , les chofes qui y font compri- fes : voyez ce que nous avons dit,fufrà en l'article précédent §. 3.

in Tr. des Oblis,1 Article VIL

Règles pour l'interprétation des Conventions, Première Règle.

91. On doit dans les Conventions ré- chercher quelle a été la commune inten- tion des parties contractantes, plus que le fens grammatical des termes.

In conventionibus contrahentium volun- tatem potins , quam verbafpeclari placuit , L.zicj.jf. de verbor.Jignif.

Voyez un exemple de cette règle dans la loi citée.

En voici un autre : vous teniez à loyer de moi un petit appartement dans une maifon dont j'occupois le reile ; je vous ai fait un nouveau bail en ces termes ij'ai donné a loyer à un tel MA MAISON pour tant d'années , pour le prix porté au précédent bail : ferez- vous fondé à prétendre que }e vous ai loué toute ma maifon ? Non ; car quoique ces termes ma maifon , dans leur fens grammatical , lignifient la maifon en- tière & non un (impie appartement ; néan- moins il efl vifible que notre intention n'a été que de renouveller le bail de l'ap- partement que vous teniez de moi , Se cette intention dont on ne peiVt douter doit prévaloir aux termes du bail.

p a r t. i. c h a p. i. 1 1 j Seconde Règle.

91. Lorfqu'une claufe eft fufceptible de deux fens , on doit plutôt l'entendre dans celui dans lequel elle peut avoir quelque effet , que dans celui dans le- quel elle n'en pourroit avoir aucun.

Quoties in fiipulationibus ambigua or a* tïo cfi , commodijjimum efi id accipi quo res de qua agitur in tutb fit y L. 80. de verb» oblig.

Par exemple ; s'il eft dit à la fin d'un a&e de partage : il a été convenu entre Pierre & Paul , que Paul pourroit pajjer fur fes héritages ; quoique ces termes fes hérita- gts , dans le fens grammatical , puiflent s'entendre aufîi bien de ceux de Paul , que de ceux de Pierre ; néanmoins il n'eft pas douteux qu'ils doivent s'entendre de ceux de Pierre ; autrement la claufe n'auroft au- cun effet ; Paul n'ayant pas eu befoin de ftipuler qu'il pourroit paffer fur fes pro- pres héritages.

Troisième Règle.

9^. Lorfque dans un Contrat , des ter- mes font fufceptibles de deux fens , on doit les entendre dans le fens qui convient le plus à la nature du Contrat.

îi4 Tr. des Oblig.

Par exemple , s'il étoit dit par un acte 9 que je vous ai loué pour neuf ans un cer- tain héritage pour la lomme de 300. liv. tes termes , Lafomme de 300. liv. ne s'en- tendent pas d'une fomme de 300. liv. une fois payée , mais d'une fomme annuelle de 300. liv. pour chacune des neuf an- nées que durera le bail , étant de la natu- re du Contrat de louage , que le prix con- fifte dans une ferme annuelle.

Il en feroit autrement s'il étoit évident que la fomme de 300. liv. eft la valeur des neuf années de ferme , puta , parce que par les baux précédents , l'héritage n'avoit été affermé que pour le prix de 30. ou 40. livres de ferme annuelle.

Voici un autre exemple de la règle : par un bail à ferme , il efl dit , que je vous ai loué un certain héritage à la charge de 300. liv. de ferme aunuelle , & des répa- rations ; ces termes & des réparations ;" doi- vent s'entendre des locatives ; les fermiers &: locataires n'étant tenus que de celles- , fuivant la nature du Contrat.

Quatrième Règle.

94. Ce qui peut paroître ambigu dans un Contrat , s'interprète , par ce qui efl d'ufage dans le pays \Jemper in ftlpulatio- nibus & in cœteris contratîibus id fequimur

P A R T. I. C H A P. I. 1 1 ?

4juod aclum efi , aut jl non appanat quod aclum cfl , erit confequcns ut id fequamur quodinregionc in quâ aclum cjlfrcqucntatur9 L. 34. ffl de regulis Juris.

Suivant cette règle , fi j'ai fait marché avec un vigneron à une «certaine fomme par an , pour cultiver ma vigne , fans m'expliquer fur le nombre de labours qu'il donneroit , nous fommes cenfés être convenus qu'il donneroit le nombre de labours , qu'on a coutume de donner dans le pays.

Cinquième Règle.

95. IAifage efl d'une fi grande autorité pour l'interprétation des conventions , qu'on fous-entend dans un Contrat les claufes qui y font d'ufage , quoiqu'elles ne foient pas exprimées , In contraclibus tacite veniunt ea quœ funt moris & corz- fuetudinis.

Par exemple , dans le Contrat de loua- ge d'une maifon , quoiqu'on n'ait pas ex- primé que le loyer feroit payable par demi-termes , à la St. Jean & à Noël , & que le locataire feroit obligé à faire les réparations locatives , ces claufes y font fous-entendues.

Pareillement dans un contrat de vente, quoique la çlaufe que le vendeur fera te-

ti6 Tr. des Oblig;

nu de défendre &de garantir l'acheteur J des évitions , n'y foit pas exprimée , el- le y en1 fous-entendue.

Sixième Règle.

96. On doit interprêter une claufe , par les autres claufes contenues dans l'ac- te , foit qu'elles précédent , ou qu'elles fuivent.

La loi, 126. ff. de verb.Jign. fournit un exemple de cette règle. Dans l'efpece de cette loi , il étoit dit dans un contrat de vente , par une première claufe , que l'héritage étoit vendu uti optityus maxi- mus , c'eft-à-dire , franc de toutes charges réelles : par une féconde claufe , il étoit dit , que \t vendeur n'entendoit être ga- rant que de fes faits : cette féconde claufe fert à l'interprétation de la première, & en reftraint la généralité des termes à ce fens ; que le vendeur , par cette première claufe , n'a entendu promettre & afTurer autre chofe , finon qu'il n'a voit impofé aucunes charges fur cet héritage , & qu'il étoit franc de toutes celles qu'il eut pu y impofer , mais non pas afTurer qu'il fut franc de celles qui avoient été impofées par fes auteurs dont il n'avoit pas de c$n- noifiance.

p\

Part. I. C h a p. I. 117 Septième Règle.

97. Dans le doute , une claufe doit s'interpréter contre celui qui a ftipulé quelque chofe , & à la décharge de celui qui a contracté l'obligation.

In fiipulaùonlbus cum quxrltur quld aclurn fit , vtrba centra Jllpulatorem in- urpretandafunt, L. 38. §• 18. ffi. de verb, oblig.

Fere fuundùm promiffbrem interpretamur. L. 99.^ d. tit. Le créancier doit s'impu- ter de ne s'être pas mieux expliqué.

Par exemple , fi par un bail à ferme il étoit dit que le fermier livreroit au bailleur en certain temps, une certaine quantité de bled de ferme annuelle , fans qu'il fut dit la tradition de vroit s'en faire , la claufe doit s'entendre en ce fens qu'elle devra fe faire en la maiion du fermier , à ceux qui y viendront chercher le bled de la part du bailleur ; ce fens étant celui qui eft le plus à la décharge du fermier qui a contracté l'obligation. Lorfque le bail- leur veut que le bled lui foit rendu dans le grenier, il doit s'en expliquer parle bail.

Huitième Règle.

98. Quelque généraux que foient les

n8 Tr. des Oblige

termes dans lefquels une Convention efl conçue , elle ne comprend que les chofes fur lefquelies il paroît que les parties con- tractantes fe font propofé de contracter , &: non pas celles auxquelles elles n'ont pas penlé. Inïquum eji perimi pacfo ? id de quo cogitatum non efl , L, y. §. fin, ffl de tranf.

Suivant cette règle fi nous avons tran- figé enfemble fur toutes nos prétentions refpectives , & que nous en ayons com- pote à une fomme que vous vous êtes obligé de me payer ? au moyen de quoi nous nous fommes tenus quittes de part & d'autre de toutes chofes : cette tran- fadlion ne préjudicie pas aux droits que j 'a vois contre vous , dont je n'a vois pas pu avoir connoiiTance lors de la tranfac- tion. His tantùm tranfaciio obejî de quibus aclum probatur : non porrlgitur ad ea quo~ rum acliones competere pojlcà compertum cfi , d. L 9. §. fin.

Par exemple , fi un légataire a compo-t avec l'héritier à une fomme pour fes droits réiultans du teftament du défunt, il ne ïera pas exclus de la demande d'un autre legs à lui fait par uu codicile qui n'a paru que depuis la tranfa&ion , Z. §. 1. L. 12. ffl de trqnfacl.

Part. I. C h a p. I. ïi$^ Neuvième Règle.

99. Lorfque l'objet de la convention ^ eft une univerfalité de chofes , elle com- prend toutes les chofes particulières qui composent cette univerfalité , même cel- les dont les parties n'avoient pas de con- noiflance.

On peut apporter pour exemple de cette règle , la convention par laquelle je compofe avec vous , à une certaine fom- me , pour vous abandonner ma part dans une hérédité; cette convention comprend toutes les chofes qui en font partie , foit qu'elles ayent été ou non à notre connoif- fance , notre intention ayant été de trai- ter de tout ce qui la compofoit ; c'efl pourquoi il eft décidé que je ne puis pas être admis à revenir contre la convenu tion , fur le prétexte qu'il s'eft trouvé depuis la convention, beaucoup de cho- fes dépendantes de la fuccefïion , qui n'é- toient pas à ma connoifTance. Sub prœ- textu fpecierum pofi repertarum , generall tranfaciione finita refcindi prohibent jura 9 L. 29. cod. de cran/ a ci.

Pourvu néanmoins que ces chofes m'ayent pas été cachées par mon cohé- ritier , avec qui j'ai traité de ma part en la fuccefïion , 6c qui avoit ces chofe%

iiô Tr. des Oblige pardevcrs lui; car en ce cas, c'eftun dol de fa part qui donne lieu à revenir contre la convention ; c'eft pourquoi il eft dit en la même loi : error circà pro- prietatem rei apud alium EXTRA PERSO* NAS TRANSIÇENTIUM , tempore tran* factionis , confiitutœ , nilùl potefl nocere.

Notre règle étant fondée fur la pré- fomption que les parties qui traitent d'une univerfalité de chofes , ont intention de traiter de toutes les chofes qui la compo- fent , foit qu'elles en ayent connoif- fance ou non ; elle fouffre exception , lorfqu'il p'aroît au contraire , que les par- ties n'ont entendu traiter que des chofes contenues fous cette univerfalité , qui étoient à leur connoiffance ; comme lors- qu'elles ont traité relativement à un in- ventaire ; putà , fi par un acle entre mon cohéritier & moi , il eït dit que je lui cède pour une certaine fomme , ma part dans tout le mobilier de la fuccefîion compris dans l'inventaire ou fuivant l'inventaire ; il eft clair en ce cas que notre intention n'a été de traiter que de ce qui eft com- pris dans l'inventaire , &c non de ce qui a été omis , &c n'étoit pas encore à notre connoiffance,

Dixième

P A R T. I. C H A P. I. î 1$

Dix.ieme Règle.

ioo. Lorfque dans un contrat on a ex- prime un cas , pour le doute qu'il auroit pu y avoir , fi rengagement qui réfulte du contrat s'étendoit à ce cas ; on n'eft pas cenfé par avoir voulu reftreindre l'étendue , que cet engagement a de droit,' à tous ceux qui ne font pas exprimés.

Quœ dubitationis tolUndœ caufd , con~ tracllbus inferuntur , jus commune non Ice» dunt , L. Xi.jflde regu/is juris ? L. (£• Mand.

Voyez un exemple de cette règle en la fufdite loi 56. d'où elle eft tirée : en voici un autre. Si par un contrat de ma- riage il eft dit ; Les futurs époux feront en communauté de biens , dans laquelle communauté entrera le mobilier des fuc- cefîions qui leur écheront; cette claufe n'empêche pas que toutes les autres cho- fes qui de droit commun entrent dans la comunauté conjugale , n'y entrent , n'é- tant ajoutée que pour lever le doute que les parties peu inftruites ont cru qu'il pourroit y avoir , û le mobilier des fuc- se fiions y de voit entrer.

Tome /,

f!2 Tr. des Oblig. Onzième Règle.

ioi. Dans les contrats, de même que dans les teftamens , une claufe conçue au pluriel , fe diftribue fouvent en plufieurs claufe s fingulieres.

Par exemple , û par le contrat de do- nation que j'ai fait à Pierre & à Paul mes domeftiques , d'un certain héritage , il eft dit , à la charge qu après leur mort fans enfans , ils le ref hueront au dona- teur ou à fa famille ; cette claufe conçue au pluriel, fe diftribue en ces deux claufes fingulieres , à la charge que Pierre après fa mort fans enfans , refituera V héritage pour la part qu'il a eu , au donateur , &c, & pareillement , à la charge que Paul après fa mort fans enfans , refituera , &c, Arg. L. 78. §. 7. ff. ad fc. Trebel.

Douzième Règle.

102. Ce qui eft à la. fin d'une phrafe fe rapporte ordinairement à toute la phrafe , & non pas feulement à ce qui précède immédiatement, pourvu néan- moins que cette fin de phrafe , con- vienne en genre & en nombre à toute la phrafe.

Par exemple , fi dans le contrat de

Part. I. C h a p. t. 113

vente d'une métairie, il eu dit qu'elle efl vendue avec tout ce qui s'y trouve de bleds , menus grains , fruits , & vins , qui y ont été récoltés cette année , ces termes , qui y ont été récoltés cette année -, fe rapportent à toute la phrafe , & non pas feulement aux vins ; & en confé- quence les bleds vieux ne font pas moins exceptés de la vente que les vins vieuXé Il en feroit autrement s'il étoitdit, & le vin qui y a été recueilli cette année ; ces termes , qui y a été recueilli cette année , qui font au fmgulier , ne fe rapportent qu'au vin , & non pas au refle de la phrafe, n'étant pas concordans en nombre. V, in Pand. Jujlin. tit. de leg. n, 189. & 190,

Article VIII.

Du ferment que les parties contractantes ajoutent quelquefois à leurs conventions.

103. Les Parties contra clames em- ployent quelquefois le ferment pour afïii- rer davantage l'accomplifTement futur des engagemens qu'elles contractent.

Le ferment dont il efl ici queflion efl: un a£te religieux par lequel une perfonne déclare qu'elle fe foumet à la vengeance de Dieu , ou qu'elle renonce à fa mifé- ricorde , fi elle n'accomplit pas ce qu'elle

F ij

124 Tr. des Obltg."

a promis ; c'eft ce qui réiulte de ces for* mules j ainfi Dieu me foit en garde ou en aide : je veux que Dieu me punijje Ji jz manque a ma parole 9 &c.

104. Les prétentions des gens d'Eglife avoient autrefois rendu bien commun l'ufage du ferment dans tous les contrats ; ils prétendoient que la connoiflance de toutes les contestations fur l'exécution des contrats qui étoient confirmés par ferment appartenoit au juge d'Eglife ; par* ce que le ferment étant un acle de reli- gion , oc le refus d'exécuter une obliga- tion confirmée par ferment , étant un vio- lement de la religion du ferment , la re« Ik'.ion paroiffoit intéreffée dans les con- têftations fur l'exécution de ces engage- mens , ce qui devoit les rendre de la compétence du juge d'Eglife.

C'eft pourquoi les Notaires qui étoient gens d'Eglife , ne manquoient pas d'infé- rer dans les contrats qu'ils paffoient, que les parties avoient fait ferment de ne con- trevenir à aucune claufe du contrat & de les exécuter fidèlement , afin d'affii- rer aux Jnçes d'Eglife la connoiflance de l'exécution du contrat : ce ftyle fe voit encore dans plufeurs anciens a£tes.

Il y a très-long-temps que les gens d'Egli- fe ont été forcés d'abandonner ces préten- 4Jgns auxquelles l'ignorance avoitdonnq

Part. I. Chap. I. ny lieu ; Se l'ufage des fermens a ceffé clans les contrats dos particuliers ; néanmoins comme il arrive encore quelquefois que des personnes empîoyent le ferment pour afîiirer l'accompliftement futur de leurs promettes ; il ne fera pas hors de propos d'examiner fommairement quel peut être l'effet de ce ferment.

105. Ce ferment n'a que peu ou point d'effet dans le for extérieur; car , ou l'o- bligation eft. valable par elle-même dans le for extérieur ,ou elle ne l'eftpas ; lorf- qu'elle eft valable par elle-même , le fer- ment ëft ftiperftu ; puifque fans qu'il inter- vienne , le créancier envers qui elle a été contractée , a action contre fon débiteur pour en exiger l'accompliffement ; le fer- ment n'ajoute rien à cette action, & ne donne pas plus de droit au créancier , qu'il en auroit eu , s'il n'eût pas été inter- pofé.

Lorfque l'obligation par elle-même n'eft pas valable dans le for extérieur , 6c eft de celles pour lefquelles la Loi civile a jugé à propos de dénier Faction , le fer- ment eft pareillement de nul effet dans le for extérieur ; caria loi civile n'en dénie pas moins l'action au créancier.

Par exemple, un cabaretier ne laifTe pas d'être non-recevable à demander en juftice à des domiciliés le payement des

F iij

n6 Tr. des Oblig. dépenfes faites en fon cabaret; un joueur ne laiffe pas d'être non-recevable à de- mander le payement d'une dette, du jeu ; quoique dans Fun & dans l'autre cas le débiteur fe foit obligé par ferment de payer. La raifon eu que le ferment étant un acceffoire de l'engagement y la loi qui réputé nul l'engagement , doit par une conféquence néceffaire réputer nul le fer- ment , fuivant cette règle de droit : quum principalis caufa non confijlit ; ne ea quident quœ fequuntur locum habent y L. 129. §. 1. g.dtRIJ.

Ajoutez qu'il ne doit pas dépendre des particuliers en interpofant le ferment , de rendre valables des engagemens , que la loi civile a jugé à propos de réprouver f &: d'éluder par ce moyen la loi.

106. Suivant les loix Romaines , le fer- ment que Tune des parties fait d'entrete- nir la convention , n'a à la vérité aucun effet \ lorfqu'elle efl nulle, par rapporta ce qui en efl l'objet , qui eft en foi quel- que chofe d'illicite , L. 7. §. / G.ff. depaci. ou par rapport à la violence qu'on y a employé , auth. Sacramenta ? cod. adv. vend. Mais lorfqu'elle n'efl: attaquable que pour caufe de minorité de l'une des par- ties contractantes, le ferment que le mi- neur , qui a exécuté la convention , fait de pe pas fe pourvoir contre , a l'effet de l'y

P A R T. I. CHAP. I. 1 1?

rendre non-recevable. C'eft ce que décide Alexandre Sévère, dans Pefpece de la vente d'un héritage faite par un mineur, qui s'étoit engagé envers l'acheteur, de ne pas revenir contre : me perfidiœ , lui ré- pond l'Empereur, neeperjurii mcauthorem tibi futuriim fperarc debuifli , L. i. cod. Ji adv. vend.

Automne , fur cette loi nous apprend , que cette décifion n'eft pas fuivie dans notre pratique Françoife ; la raifon eft qu'autrement les loix qui fubviennent aux mineurs, feroient toujours éludées , étant facile à ceux qui contractent avec eux de leur faire interpofer ce ferment. La coutu- me de Bretagne, art. 471. décide for- mellement que les contrats des mineurs ne font pas valables par leur ferment.

C'eft principalement dans le for de la confeience , que le ferment par lequel quelqu'un s'eft engagé à l'accompliffe- ment de ce qu'il a promis , peut avoir quelque effet. Il a cet effet de rendre plus étroite l'obligation , & de rendre plus coupable celui qui y conrevient ; car celui qui s'étant engagé par ferment man- que volontairement à fon engagement , ajoute à l'infidélité qui réfulte de toute contravention volontaire à un engage- ment , le crime de parjure.

1 07. Le ferment a cet effet , lorfque

F iv

»i$ Tït. dés Oblig;

l'engagement eu en foi valable , au moïrlj dans le for de la confcience ; mais fi l'en- gagement étoit nul , même dans le for «de la confcience , le ferment qu'on auroit fait de l'accomplir fera-t-il nul. ? C'ell: ce que nous allons examiner en parcourant les difFérens vices qui peuvent rendre nuls les engagemens.

Lorfque l'engagement eu nul par rap- port à ce qui en fait l'objet ; putà ; lorf- que quelqu'un s'eft obligé a donner une chofe qui eft hors du commerce ; ou lorf- qu'il s'eft obligé à faire quelque chofe qui cfl impoffible ; il eu évident que le fer- înent qu'on a fait de l'accomplir , ne peut pas être obligatoire , ni avoir aucun effet.

Tous conviennent aufîi que le ferment d'accomplir un engagement illicite , n'eft pas obligatoire, qu'on pèche en faifant ce ferment , & qu'on pécheroit double- ment en l'accompliffant : en ce cas fce- lus ejl fi de s.

Cette décifion a lieu , non-feulement lorfque la chofe eu illicite par le Droit naturel ; mais même lorfqu'elle eu illicite par le Droit civil ; car nous fommes obli- gés en confcience d'obéir à la loi civile , & le ferment ne peut nous difpenfer de cette obligation.

Lorfque le vice d'erreur dont nous avons traité fu'pxà , art. 3. §. j^t rend la

Part T. C h xp. I. 129

convention nulle , elle rend pareillement nul le ferment dont elle feroit accompa- gnée : car la convention étant abfolument nulle , il i-Cen peut naître aucun engage- ment que le ferment puiffe confirmer.

108. Il y a plus de difficulté à l'égard d'un vice de violence. Grotius convient qu'une promerle qui a été extorquée par une violence injurie, n'oblige point celui .qui l'a faite , à l'accomplir ; parce que , quand il feroit vrai qu'il naîtroit de cette promeiTe une obligation qui donneroit un droit contre moi à celui à qui je l'ai faite -, il feroit de fon côté , pour répara- tion de la violence injuile qu'il a exercée contre moi , tenu de m'acquitter. Mais îorfque cette promefTe extorquée par une violence injurte , a été confirmée par ferment 9 quoique pareillement extorqué , Grotius prétend que je fuis en confcien- ce obligé de la tenir; £>arce que fi je ne fuis pas obligé de la tenir vis-à-vis de celui à qui je l'ai faite , par les raifons ci- deflus rapportées, je m'y trouve obligé en- vers Dieu , à qui je fuis cenfé l'avoir pro- mis par le ferment que j'ai fait ; c'eft pour- quoi fi je n'accomplis pas cette promerTe, lorfqu'il efl en mon pouvoir de le (aire , je me rends coupable de parjure. G rot, Lib. z. ckap. 13. n. 14.

Le même Auteur obferve que l'héritier

Fv

130 Tr. des Oblig. de celui qui a fait ce ferment n'eft pas te- nu de l'obligation qui en réfulte ; parce que mon héritier qui fuccede à ma per- fonne civile , & qui me repréfente entant que membre de lafociété civile , fuccede bien à mes obligations contractées envers les hommes dans le commerce de la fo- ciété civile ; mais il ne fuccede pas à mes obligations envers Dieu. lbid. n. 17.

109. St. Thomas , 1 1 . 2. Q. 89. art. 7. a aum* penfé qu'une promette , quoiqu'ac- compagnée de ferment, n'étoit pas à la vérité obligatoire vis-à-vis de celui qui l'a voit extorquée par une violence in- jufte , mais qu'elle l'étoit devant Dieu Se dans le for de la confcience ; que cette obligation n'étoit pas à la vérité fondée fur aucun vœu ou fur aucune promeffe , mais qu'elle étoit fondée fur le refpeéï au faint nom de Dieu qui étoit violé , lorfque nous n'accomplifîions pas ce que nous avions promis par ce faint nom.

Il apporte néanmoins ce tempérament , qu'après que j'ai fatisfait à mon ferment «n payant la chofe que l'on m'a forcç de promettre par ferment, je peux en pourfuivre en juftice la répétition , fi je peux prouver la violence qu'on m'a faite.

Ce tempérament fouffre difficulté ; car

Part. I. Chap, ï. 131 eft-ce véritablement payer une chofe Ô£ Satisfaire à fbn ferment, que de la payer dU cis causa, & dans l'intention de répéter ce qu'on a payé ? C'eft pourquoi Grotius réfute ce fentiment. Probare non pojjum , dit-il , quod à quibufdam traditum ejl , eum qui prœdoni quicquam promiferit , momen- tanée Jolutione pojje defungi ; ità ut liceat quod folvit recuperare ; verba enim jura- menti quoad Deum Jîmplicijjîmï , & cum ejfeclufunt accipienda. d. cap. 13. n, 15.

1 1 o. Les Papes ont auïîi décidé qu'une promette accompagnée de ferment , quoi- qu'extorquée par une violence injurie , obligeoit devant Dieu ; c'eïr. la décifion d'Alexandre III. au ch. 8. extra de jurejur. Céleftin III. ch. 15. d. t. dit que les Papes lorfqu'ils abfolvent du viole ment de ce ferment , n'entendent pas porter ceux qui ont fait de pareils fermens à les violer , mais feulement ufer d'indulgence pour ce violement , qui doit être traité avec l'in- dulgence que méritent les fautes véniel- les , & non pas puni avec la rigueur que méritent les fautes mortelles. Non eis di- caïur ut juramenta non fervent ^fidji non ea atunderint , non ob hoc tanquam pro mor~ tali crimine puniendi.

ni. Pufendorf IV. 2. 8. penfe au contraire qu'une promefle extorquée par violence, quoique confirmée par ferment,

F vj

132 T r; des Oblige

n'eft pas plus obligatoire devant Dietï que devant les hommes. Ses raifons font ,' 1 °. qu'un tel ferment , lorfqu'il eu adreffé à la perfonne à qui je promets une chofe, n'eft qu'une attefïation folemnelle &c re- ligieufe de ta promefie que je fais à cette perfonne ; mais ce n'efl pas un vœu j il ne contient pas une promefTe particulière que je faffe à Dieu d'accomplir la promef- fe que j'ai faite à cette perfonne , ni par conféquent aucune obligation envers Dieu. 2a. Quand même on concevroit dans ce ferment ? une efpece de vœu que je ferois à Dieu d'accomplir la prtfmefTe que j'ai faite ; ce vœu ne feroit.pas obli- gatoire envers Dieu ; car de même que les promeifes qu'on fait aux hommes , ne font obligatoires qu'autant} qu'elles font acceptées par ceux à qui on les fait ; de même les vœux que l'on fait à Dieu y n'obligent point envers Dieu , qu'autant qu'on peut croire que Dieu les agrée & les accepte: or peut -on croire que ce foit une chofe agréable à Dieu, & que Dieu agrée , qu'un innocent fe dépouille de fes biens au profit d'un fcélérat , qui a extorqué fa promeffe , par une violence injufte qu'il lui a faite.

A l'égard du refpeft au faint Nom de Dieu , fur lequel faint Thomas fonde l'obligation de tenir ce qui a été promis

Part. T. CffAi». T. il*

** If/

par ferment; on ne peut pas à la vérité diiconvenir que c'eït manquer au reipecl du au faint Nom de Dieu , &c pécher griè- vement, que de promettre avec ferment, quoique par violence , ce qu'on n'a pas intention de tenir; puifque c'eft faire fer- vir le faint nom de Dieu à un menfonge * & Pufendorf n'en fçauroit difconvenir. Mais après que ce ferment a été fait , foit que la perfonne eût véritablement alors l'intention d'accomplir fa promette , auquel cas il n'y a pas eu de péché*, foit que dès ce terrtps , elle n'eût pas cette in- tention , auquel cas elle a péché en faifant ce ferment ; le violement de ce ferment ne paroît pas à Pufendorf être de même un péché , & une chofe contraire au cul- te de Dieu. Le repentir que doit avoir la perfonne d'avoir fait le ferment , avec intention de ne pas tenir fa promette , peut paraître exiger qu'elle donne ce qu'elle a promis ; 6c dans le cas auquel elle avoit alors l'intention de le donner,, la crainte qu'elle peut avoir de fcandalifer les foibles , peut aufli la porter à donner ce qu'elle a promis de donner ; mais dans ces cas , Pufendorf penfe qu'elle fera mieux de l'appliquer à des œuvres pies , que de le donner à celui qui a extorqué dVJe^la promette qu'elle lui a faite ; à qui cela n'ett pas , &c qui s'en fer vir oit pour continuer fes crimes,

134 Tr. des Oblig,

i 1 2. Il nous refte à dire un mot du dol. Il n'eft pas douteux qu'une promette, quoiqu'atteftée par ferment , qui m'a été furprife par le dol de celui à qui je l'ai faîte , n'eft pas plus obligatoire vis-à-vis de lui , que le feroit une promette extor- quée par violence ; car fon dol ne l'oblige pas moins envers moi à m'en acquitter, que l'y obligeroit la violence. Mais ce ferment oblige-t-il devant Dieu à tenir fa promette ? Dans le fyftême de Pufendorf qui penfe que celui extorqué par vio- lence , n'oblige pas ; celui-ci ne doit pas obliger non plus. En adoptant le fenti- ment de Grotius , & des autres qui pen- fent que le ferment extorqué par vio* lence oblige , il n'en faut pas toujours conclure que celui qui a été furpris par le dol de celui à qui la promette a été faite , oblige pareillement ; car lorfqu'il eft confiant que ce ferment a pour fonde- ment la fairtTe fuppofition de quelque fait , fans quoi la promette n'auroit pas été faite; Grotius ibid. n, 4. convient que le ferment n'a aucun effet même devant Dieu. La raifon de cette différence eft que celui qui promet ? quoique contraint, promet abfolument y & fans faire dépen- dre fa promette d'aucune condition; au lieu que celui-ci a intention de faire dé- pendre fa promette en quelque façon de

Part. I. Chap. I. rj?

la vérité du fait qu'il fuppofe , & qui y iert de fondement.

Section II.

Des autres caufes des Obligations.

§. i.

Des quafi- Contrats,

. 1 1 On appelle quafi-Contrat , le fait d'une perfonne permis par la loi , qui l'oblige envers un autre , ou oblige une autre perfonne envers elle , fans qu'il in- tervienne aucune convention entr'elles.

Par exemple , l'acceptation qu'un héri* lier fait d'une fucceffion efl: un quafi-Con- trat vis-à-vis des légataires ; car c'eft un fait permis par les Ioix , qui oblige cet héritier envers les légataires, à leur payer les legs portés par le teftament du dé- funt, fans qu'il foit intervenu aucune con- vention entre cet héritier , & les léga- taires.

Un autre exemple de quafi-Contrat, c'eft lorfque quelqu'un paye par erreur de fait, une chofe qu'il ne doit pas. Le paiement de cette chofe eft un fait qui oblige celui qui l'a reçue , à la rendre à celui qui l'a payée ; quoiqu'on ne puiffe pas dire qu'il foit intervenu en ce cas en- tr'eux aucune convention pour la restitu- tion de cette chofe,

£?£ Tr, 0és Oblig;

La geflion que quelqu'un fait des. affai- res d'un abfent qui ne l'en a point char- gé , eu aufïl un quafi- Contrat qui l'oblige à en rendre compte , fk oblige l'abfent envers lui à l'indemnifer de K>ut ce qu'il a débourfé.

Il y a quantité d'autres exemples de quafi-Contrats que nous pailbns fous fi- lence.

114. Dans les contrats, c'efl le con- fentement des parties contractantes qui produit l'obligation ; dans les quafi-Con- trats , il n'intervient aucun confentement, & c'eil la loi feule ou l'équité naturelle qui produit l'obligation , en rendant obli- gatoire le fait d'où elle réfuîte. C'efl pour cela que ces faits font appelles quafi-Con* trats ; parce que fans être des contrats , ni encore moins des délits , ils produifent des obligations comme en produifent les contrats.

115. Toutes perfonnes , même les en- fans 6c les infenfés qui ne font pas. capa7 blés de confentement, peuvent, par le quaïi-contrat qui réfulte du fait d'un au- tre , être oî^ligées envers lui , & l'obliger envers elles ; car ce n'eil pas le confen- tement qui forme ces obligations ? & el- les fe contractent par le fait d'un autre , fans aucun fait de notre part. L'ufage de ïa raifon eft à la vérité requis dans la per?

l'Aftt. I. C tf A P. f. r^'7

nne dont le fait forme un quafi-contrat , nais il n'eft pas requis dans les perfon- ries par qui , ou envers qui , les obliga- tions qui reluirent de ce fait , font con- tractées.

Par exemple , fi quelqu'un a géré les affaires d'un enfant , ou d'un infenfé , cet- te geftion qui eft un quafi-contrat oblige cet enfant ou cet infenfé , à tenir compte à celui qui a géré fes affaires , de ce qu'il a utilement dépenfé , & oblige récipro- quement envers lui celui qui a géré (es affaires , à rendre compte de fa geftion.

Il en eft de même des femmes qui font fous puiiTance de mari ; elle peuvent de cette manière être obligées envers les au- tres , & obliger les autres envers elles,fans être autorifées de leurs maris ; car la loi qui leur défend de s'obliger ni de rien faire que dépendamment de leurs maris, &l avec leur autorité , n'annulle que ce qu'elles feroient fans fon autorité , 6c non pas les obligations qui